ROYAUME DU MAROC
MARCHÉS FONCIERS POUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE AU MAROC
Volume I – Héritage et Structures
Foncières au Maroc
Les contraintes structurelles et institutionnelles à l’émergence
d’un marché efficient du foncier au Maroc
31 mai 2008
Secteur Financier et Secteur Privé
Groupe Développement Economique et Social
Région Moyen-Orient et Afrique du Nord
EQUIVALENTS MONETAIRES
(Au 30 juillet 2007)
Unité monétaire : Dirham marocain (DH)
Taux de change : 1 $EU = 8.1262 DH
POIDS ET MESURES
Le système métrique est utilisé dans ce rapport
EXERCICE BUDGETAIRE
1er juillet – 30 juin
Abréviations
ANCFCC Agence Nationale de la Conservation
Foncière, du Cadastre et de la Cartographie
CF Conservation Foncière
DAF Direction des Aménagements Fonciers
DAR Direction des Affaires Rurales
Département du Cadastre National
DH Dirham Marocain
DRS Défense et Restauration des Sols
GFI Groupements Fonciers d’Indivisaires
IGR Impôt Général sur le Revenu
NI Non Immatriculés
PMVB Périmètre de Mise en Valeur du
bour
RGA Direction Générale du Génie Rural Recensement
Général Agricole
SAU Superficie agricole utile
SOGETA Sociétés d’Etat
TE Taxe d’Edilité
TPI Tribunaux de Première Instance
Vice-
présidente
|
:
|
Daniela
Gressani
|
Directeur du
département et économiste en chef
|
:
|
Mustapha K.
Nabli
|
Directrice p.i. du
département Maghreb
|
:
|
Cécile
Fruman
|
Responsable
sectorielle
|
:
|
Zoubida
Allaoua
|
Chargé de
Projet Principal
|
:
|
Najy
Benhassine
|
Chargé de
Projet Adjoint
|
|
Marie-
Hélène Collion
|
L’objet de ce volume I est de présenter les principales contraintes structurelles et
institutionnelles au développement efficient des marchés fonciers au Maroc. Bien que ces
contraintes soient communes à tous les types de foncier, l’accent est mis sur le foncier rural et
agricole, car elles s’y expriment de manière plus forte. Le volume IV de cette étude couvre les
aspects spécifiques au foncier industriel.
Le volume décrit l’héritage complexe du foncier au Maroc, fait de statuts
différents, d’une dualité dans le cadre légal et administratif des droits de
propriétés traditionnels et modernes et, s’agissant plus particulièrement du foncier
agricole, d’un marché peu actif, soumis à une grande pression foncière que
reflète l’étendue du problème de l’indivision. Cette pression
foncière est aussi alimentée par des investissements non agricoles qu’encourage l’absence
de fiscalité dans l’agriculture.
Un ensemble de recommendations est proposé à la fin du volume, en vue
d’améliorer la sécurisaiton foncière et la fluidité des marchés. Ces
recommendations sont reprises de façon plus détaillée dans les deux volumes
suivants.
Le volume II porte essentiellement sur la problématique de la sécurisation
foncière, en détaillant les enjeux auxquels font face tant la sécurisation traditionnelle que
l’immatriculation. L’approche du volume II est d’ordre légal et institutionnel et
s’appuie sur les statistiques disponibles en termes d’immatriculation. L’objet du volume
est d’aboutir à une stratégie cohérente d’amélioration de la
sécurisation foncière au Maroc, faite notamment d’un renforcement du système de la
moulkiya, en parallèle aux réformes de l’immatriculation. Il y est en
particulier proposé l’introduction d’une nouvelle approche d’immatriculation
groupée en zone rurale.
Le volume III vient essentiellement en support du diagnostic et des recommandations
présentées dans les volumes I et II. Il présente les résultats d’une
enquête rurale réalisée en mars et avril 2007, qui a porté sur l’impact de
l’immatriculation sur l’investissement et la productivité des exploitations agricoles.
D’autres données collectées sur le terrain, en particulier sur l’indivision, viennent
alimenter les arguments présentés dans ces deux premiers volumes.
Ce premier volume a été rédigé par une équipe composée de
Najy Benhassine, Marie-Hélène Collion et Isabelle Girardot-Berg (consultante, auteur d’une
première version du rapport). Y ont contribué Nédjib Bouderbala (consultant) et Youssef
Saadani. Nous remercions Mme Zoubida Allaoua, responsable sectorielle à la Banque Mondiale, pour les
nombreuses suggestions qu’elle a apporté à une première version de ce
rapport.
- La question foncière au Maroc ne peut être abordée sans passer en
revue les différents statuts et régimes de la propriété immobilière, dont la
complexité trouve ses racines dans la longue histoire du pays. Comme d’ailleurs les autres pays
du Maghreb, le Maroc a connu la séquence coutume-loi musulmane-loi positive moderne. Cependant ces
sources socio-juridiques du droit actuel ne sont pas restées séparées et se sont
articulées dans un ensemble complexe dans lequel la part de chacune ne peut pas toujours être
isolée[1]
. Il s’en suit donc un ensemble diversifié au sein
duquel s’articulent les coutumes d’origine préislamique, la loi foncière musulmane, et la
législation coloniale et postcoloniale. A l’époque du Protectorat, le partage du pays entre une
Zone Sud (française) et une Zone Nord (sous l’emprise de l’Espagne) a ajouté à la
complexité de l’héritage foncier. Celui-ci se traduit par une
hétérogénéité des statuts et des régimes d’immatriculation
foncière.
- Le Tableau 1 donne un aperçu de la complexité de la situation des
systèmes fonciers coexistants aujourd’hui et des institutions de tutelle. D’une
manière générale, on distingue les terres « melk » ou
terres privées individuelles, des terres non « melk » que sont les
propriétés collectives, collectives guich, habous et domaniales. Ces
dernières sont, vis-à-vis des tiers, des propriétés privées appartenant soit
à l'Etat soit à des collectivités. Elles peuvent être immatriculées ou
non. La différence avec les terres dites melk réside dans les règles de jouissance,
de disposition et de succession instituées par les dispositions particulières qui les
régissent. Elles sont de manière générale, inaliénables, imprescriptibles,
insaisissables et leur location est assujettie à des contraintes.
Tableau
1 : Répartition de la totalité des
terres par statut juridique[2]
Statut juridique
|
Superficie (ha)
|
%
|
Gestion/Tutelle
|
Terres collectives
|
12.000.000
|
41.6
|
Min. Intérieur (Affaires rurales)
|
Melk
|
8.000.000
|
27.7
|
n.a.
|
Terres guich
|
210.000
|
0.7
|
Min. Intérieur (Affaires rurales) et Min. de l’Economie
et des Finances (Domaines)
|
Terres habous
|
100.000
|
0.3
|
Min. Habous et Affaires Islamiques
|
Domaine :
|
320.000
1.045.000
7.200.000
|
1.1
3.6
24.9
|
Min. Equipement
Min. de l’Economie et des Finances (Domaines)
Haut Commissariat Eaux et Forêts
|
Total
|
28.875.000
|
100.0
|
|
Source : Etude Intélec
p.23
I.1 Les terres collectives, terres de tribus
- Les terres collectives[3] sont probablement une des formes les plus anciennes
d’occupation des sols au Maroc. Ce sont à l’origine essentiellement des terres de
tribus. Avec l’arrivée des arabes, la propriété foncière est
« démembrée » entre propriété éminente (raqaba),
appartenant au prince, et usufruit (intifaâ) profitant à ses occupants c'est-à-
dire le plus souvent aux tribus. Il n’y avait pas de statut juridique à proprement parler de ces
terres, mais une occupation de fait de territoires plus ou moins stables par des tribus souvent
itinérantes. Afin tout à la fois de protéger les terres des tribus autochtones et de
contrôler les populations, le Protectorat avait introduit dès 1919 des restrictions
sévères aux droits de propriété des terres collectives, assorties d’une mise sous
tutelle des tribus, qui de fait, n’avaient qu’un droit de jouissance. Ainsi la législation
accorde à ces terres un caractère :
- Inaliénable : ne pouvant être cédées ou
vendues ;
- Imprescriptible : ne pouvant être acquises par prescription
acquisitive comme c’est le cas pour le melk (c'est-à-dire par la possession continue
pendant 10 ans) ;
- Insaisissable : ne pouvant faire l’objet de saisie, ces terres ne
peuvent pas non plus servir de garantie aux prêts hypothécaires ;
- Assujetties à des limites au droit de location et qu’une
part théoriquement d’égale superficie revient à chaque ayant droit (Dahir du 27
avril 1919). Ce texte toujours en vigueur détermina les limites administratives des terres
collectives, fixant ainsi les tribus dans ces limites. Il établit la tutelle du pouvoir central sur
ces terres, et en expropria certaines pour y installer des périmètres de colonisation.
- Les terres collectives occupent aujourd’hui quelque 12 millions d’hectares
(dont 1,5 million ha de terres de culture) exploités par 4.600 collectivités. En plus de ces
terres, les collectivités ethniques sont propriétaires ou possèdent d’autres biens,
notamment les droits réels reconnus dans le domaine public et privé de l’Etat (forêts,
eau, mines, pâturage...)
- Les collectivités ethniques sont représentées par
l’assemblée des délégués, qui sont choisis selon les us et coutumes de chaque
tribu. Elles sont responsables de la gestion du patrimoine, en particulier elles procèdent seules au
partage de jouissance entre les membres. Le naïb est le représentant de la collectivité
dans la défense de ses intérêts, mais il apparaît également comme
l’instrument de contrôle de l’autorité au sein des « collectifs ».[4]
- Le Ministère de l’Intérieur exerce une tutelle sur les
collectivités ethniques, pour tout ce qui concerne la location ou cession de terrains et les
réquisitions d’immatriculation. La Direction des Affaires Rurales de ce Ministère est
chargée du suivi des dossiers des terres collectives selon les directives du Ministre.
- Le Conseil de tutelle, instance administrative, est composé, outre le Ministre de
l’Intérieur qui le préside, par le Ministre de l’Agriculture, les directeurs des Affaires
politiques et des Affaires administratives du Ministère de l’Intérieur et par deux
membres désignés par le Ministre de l’Intérieur. Le Conseil de tutelle est
convoqué par le Ministre de l’Intérieur pour l’assister dans l’examen des
réclamations.[5]
Il a « compétence en matière de
règlement de conflits lorsqu’il s’agit de l’application des us et coutumes».[6]
En outre, le Conseil de tutelle :
- Etudie les demandes de la répartition de fonds entre les membres des
collectivités ethniques ayant demandé la distribution dudit fonds à leurs
membres ;
- Statue sur les demandes d’acquisition des terres collectives formulées par
l’Ettat, les communes, les établissements publics ou les collectivités
ethniques ;
- Procède à l’examen des recours prévus au deuxième
alinéa de l’article 4 du dahir n°1-69-30 du 25 juillet 1969 relatif aux terres collectives
situées dans les périmètres d’irrigations ;
- Désigne l’attributaire du lot laissé par l’ayant droit
décédé, à défaut d’accord entre les cohéritiers (article 8 du dahir
n°1-69-30 du 25 juillet 1969 précité).
- Les décisions du Conseil ne font l’objet d’aucune
publicité. Elles ne sont pas motivées et ne sont susceptibles d’aucun recours.
- Le mode de gestion des terres collectives a évolué naturellement vers une
individualisation de fait des terres de culture (« melkisation »), le partage
périodique ayant pratiquement disparu sur ces terres. D’après l’atelier
organisé en 2000 par le Ministère de l’Agriculture sur le foncier agricole, le partage
était définitif pour 98% des terres de culture. Le principe de l’égalité
n’est souvent plus respecté, les collectivistes les plus influents possédant des parts de
taille supérieures aux autres. Enfin, contrairement au passé, il arrive que les femmes
reçoivent des parts collectives. Cette « melkisation » de fait
n’est pas reconnue par la loi, sauf dans les périmètres d’irrigation.
- En 1969, le statut juridique des terres collectives situées à
l’intérieur des périmètres d’irrigation a été modifié[7]. Afin d’encourager
leur intensification, elles sont passées sous un statut de type melk assorti de restrictions.
En droit, elles appartiennent aujourd’hui dans l’indivision aux personnes qui avaient la qualité
d’ayants droit. Un mode particulier de dévolution successorale a été
institué : afin de ne pas augmenter le nombre d’indivisaires (part dévolue à un
seul héritier), la cession des quotes-parts est permise entre seuls co-indivisaires. La
séparation en lots individuels n’est autorisée que si elle crée des
propriétés d’une superficie minimum de 5 ha.
- Cette mutation très lourde de conséquences du collectif au melk (en
particulier l’établissement préalable des listes d’ayants droit à
« melkiser » a été difficile et n’est pas encore close 38 ans
après son initiation. Au problème de l’établissement des listes des ayants-droit,
s’ajoute le problème des litiges entre collectivités ethniques sur l’assiette
foncière lorsque les terres ne sont pas délimitées ainsi que celui de l’immatriculation
foncière, très faible au niveau des terres collectives, ce qui limite leur lotissement au profit des
ayants-droit.
I.2 Les terres guich, des terres
collectives au statut particulier
- Les terres guich sont des terres collectives avec un statut particulier. A
l’origine, le Souverain les avait accordées en jouissance à des tribus en contrepartie
d’un service rendu, à caractère militaire. On les trouvait autour des villes
impériales : Meknès, Fès, Marrakech, Rabat. Les terres guich sont encore
aujourd’hui exploitées en groupements ethniques, sous la tutelle du Ministère de
l’Intérieur.
- Le régime guich est caractérisé par un démembrement
du droit de propriété. A la différence des terres collectives des tribus, l’Etat a
la nue-propriété (droit éminent) des terres guich. Ces terres sont donc
inscrites au domaine privé de l’Etat. Les collectivités guich sont titulaires
à titre collectif de l’usufruit (« menfaa ») résultant
d’une concession du souverain ; et les ayants-droit, membres de la collectivité guich,
sont titulaires d’un simple droit de jouissance (« intifaa »). Le
caractère précaire de la possession crée un sentiment d’instabilité chez les
usagers. Ces terres guich ont la particularité de n’être régies par aucun
texte spécifique, ce qui accroît encore les incertitudes.
- Au début du Protectorat, ces terres étaient importantes (environ 768,000
hectares), mais une large partie fut prélevée, en échange de quoi l’Etat accorda aux
collectivités ainsi amputées, la pleine propriété sur leurs terres restantes,
qu’il transforma ainsi en terres collectives (ce sont les « guich
concédés »). Il ne reste aujourd’hui qu’environ 210,000 ha sous le
statut guich au sens strict, principalement autour de Marrakech.
I.3 Les immeubles habous, des
donations à caractère religieux
- Les biens habous sont des biens, généralement immeubles, offerts
par un individu au profit d’une œuvre pieuse, charitable ou sociale. Ces propriétés
inaliénables et imprescriptibles sont régies par les règles de droit musulman. La vente
n’est possible qu’avec l’autorisation préalable du Roi (Dahir du 7 juillet
1914). L’usufruit des biens habous est cédé à titre gratuit et à
perpétuité à des bénéficiaires qui les font fructifier à des fins
sociales ou religieuses. Il existe deux types de habous : publics (environ 100 000 ha dont 60%
de terres agricoles) et privés[8]
. Les habous publics sont sous le contrôle du Ministère
des Habous et Affaires Islamiques qui doit les valoriser, au profit des bénéficiaires
désignés, ce qui a fait de ce Ministère un promoteur foncier et immobilier. Les
habous privés ne peuvent être cédés à moins de l’extinction de
tous les héritiers. A ce moment, le bien habous privé devient public et passe sous le
contrôle du Ministère des Habous.
- Ce ministère est entrain de régler la question des habous
privés en procédant au partage entre la part qui doit revenir aux habous publics et celle
qui doit revenir aux héritiers. C’est dans le domaine urbain que les habous
détiennent l’essentiel de leur patrimoine immobilier. Localement, les biens
habous peuvent avoir une certaine importance notamment dans et autour des métropoles religieuses et
culturelles (Tétouan, Larache, Meknès, Fès, Ouezzane etc.).
- Les Biens Immobiliers Domaniaux[9] proviennent des terres du Makhzen. Avant l’arrivée
de la colonisation, il n’y avait pas de distinction entre le domaine de l’Etat et le domaine
privé du souverain, distinction qui fut établie en 1912. Le domaine de l’Etat ainsi
redéfini comprend le Domaine public (routes, rivages de la mer, ports etc.), géré par le
Ministère de l’Equipement ; privé (terrains nus ou bâtis domaniaux non publics et
faisant l’objet d’ajouts par acquisition, expropriation, confiscation etc.) géré
par la Direction des Domaines du Ministère des Finances; et forestier (forêts, dunes, etc.)
géré par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts.
- Le domaine privé de l’Etat est constitué de biens cessibles pour
l’aménagement urbain, le développement touristique, ou de développement industriel (pour
la création de zones industrielles ou de parcelles à vocation industrielle). Le domaine
privé agricole procure des terres pour la réalisation d’activités agricoles
d’intérêt général par le biais de sociétés d’Etat (SOGETA,
pour la sauvegarde et multiplication de matériel génétique, SODEA développement de
technologies pour la diversification agricole). Il a aussi servi par le passé d’instrument
majeur de politique agraire. Une grande partie des biens récupérés par l’Etat
auprès des européens au moment de l’indépendance (quelques 1.000.000 ha) a
été versée dans ce statut. Le reste a été soit acheté par des marocains,
créant ainsi un secteur national de grandes et moyennes entreprises, notamment agricoles, soit
transféré à des sociétés d’Etat.
I.5 Les lots de la réforme agraire : un secteur en transition du statut domanial
- Les lots de la Réforme Agraire sont issus des distributions de terres de
l’Etat, récupérées pour la plupart au moment de la colonisation, au profit des petits
paysans et ouvriers sans terre. Ces distributions, avec l’obligation pour les attributaires
d'adhérer à des coopératives de la réforme agraire, sont toutefois restées
modestes. Depuis 1969, seuls 320.000ha soit 1.5% de la superficie agricole utile (SAU) ont été
distribués au bénéfice de 22.000 personnes.
- Les lots ont été cédés à titre de vente à
crédit, remboursable sur 20 ans à 4% de taux d’intérêt, par acte de vente
visé par le Ministre des Finances, le Ministre de l’Agriculture et le Ministre de
l’Intérieur. Les attributaires recoivent gratuitement un titre de propriété libre
de toute charge. Cependant, à ce jour, il reste encore 25% des attributaires qui n’ont pas reçu
de titre du fait que la situation juridique des lots n’avait pas toujours été assainie
avant leur attribution, et du fait également de la lourdeur et de la lenteur des procédures qui
demandent l’implication de multiples intervenants.
- Cependant, même avec un titre de propriété, ces lots ne sont pas des
terres melk de plein droit. La différence réside dans le droit successoral particulier
appliqué à ces terres et l'interdiction de vente, de cession, de location ou
d'hypothèque au profit d'un tiers (y compris les organismes de crédit). De plus, les
propriétaires ont interdiction d’exercer une activité salariée, et d’utiliser la
main d’œuvre salariée, autre que familiale. Ces règles, très
contraignantes n’ont pas toujours été respectées. Depuis 2006, ces obligations
sont levées pour les bénéficiaires qui se sont acquis de l’ensemble des paiements
relatifs à leur lot et ont remboursé les crédits obtenus auprès de la
coopérative auquel ils adhèrent[10]
.
I.6 Le melk, statut de
pleine propriété privée, connait une forte
expansion
- Dans le melk, le droit éminent de propriété et le droit de
jouissance sont entre les mêmes mains. Ce droit de pleine propriété privative n’est
pas nécessairement individuel ; au contraire, elle est souvent une propriété familiale,
appartenant à plusieurs héritiers. Le melk se développa progressivement au
Maroc avec l’établissement de colons arabes[11] à partir de la conquête musulmane (seuls autorisés
à posséder la terre en pleine propriété), et s’est développé
essentiellement par la transmission successorale et la possession. Pendant le Protectorat, la
législation a introduit le droit de propriété selon le Code Civil français (par le
biais de l’immatriculation) afin de développer un statut favorable à la libre entreprise.
De larges possibilités furent alors offertes aux Européens pour acquérir des biens fonciers
sur les terres collectives. Dans le même temps, une partie importante des terres de tribu passait sous
statut melk aux mains de propriétaires marocains. De même, de nouvelles formes urbaines
de lotissement voyaient le jour marginalisant ainsi les médinas. En conséquence de quoi, ce
statut, qui était très peu important avant 1912, représentait déjà à la
fin du Protectorat, plus des 2/3 des terres cultivées. Elles regroupent aujourd’hui 75,8% de la
superficie agricole utile et 84% des exploitants[12]
, c’est dire l’ampleur des transformations sociales depuis un
siècle.
- Le statut melk offre le plus d’avantages pour la mise en valeur agricole,
car il donne un droit de propriété stable sur la terre, et permet mutations, location et
même hypothèques sous la forme immatriculée du melk. Il offre donc, en
théorie, la liberté d’entreprendre, d’investir, de monnayer son capital pour
d’autres activités jugées plus lucratives, et de transférer à d’autres
l’opportunité de mettre en valeur la terre ainsi dégagée. En principe donc le
statut melk est bien adapté aux impératifs du développement économique.
Cependant, en pratique il souffre de bien des difficultés, dues aux situations d’indivision (voir
Chapitre II ci-dessous), aux incertitudes liées à des droits de propriété encore mal
définis (voir Chapitre III ci-dessous), et à la concurrence inéquitable des citadins
fortunés pour cette forme d’épargne.
- La superficie agricole utile s’est accrue (Tableau 2) entre 1973 et 1996. La
part du melk dans la SAU s’est également accrue, passant de 5.374.000 ha (soit 74.3% de la
SAU) en 1973 à 6.618.000 ha (soit 75.8% de la SAU en 1996) au détriment des autres statuts qui ont vu
leur part diminuer.
Tableau 2 : Evolution de la répartition
des statuts fonciers en ha et pourcentage de la superficie agricole utile (SAU)
Statut
|
1973
|
1996
|
Ha
|
% SAU
|
Ha
|
%SAU
|
Collectif
|
1.009.900
|
14.0%
|
1.534.654
|
17.6%
|
Melk
|
5.374.000
|
74.3%
|
6.608.966
|
75.8%
|
Guich
|
319.200
|
4.4%
|
240.441
|
2.8%
|
Habous
|
83.700
|
1.2%
|
58.843
|
0.7%
|
Domanial
|
445.000
|
6.1%
|
270.001
|
3.1%
|
Total SAU
|
7.231.400
|
|
8.712.905
|
100%
|
Source : Atelier sur la
Politique Foncière, juin 2000, d’après le RGA de 1996
- Si au fil du temps l’espace foncier marocain s’est structuré par des
statuts fonciers multiples, entraînant une complexité juridique certaine, cette diversité
n’a pas été sans avantage sociologique. Il est sans doute heureux qu’au moment du
Protectorat, « la solution unique de main mise de l’Etat sur toutes les terres du royaume
ait été écartée, évitant ainsi les prélèvements excessifs de
terres collectives indigènes ou une évolution trop rapide vers la propriété
privée et le marché libre de la terre avec ses risques d’expropriation brutale de la
paysannerie[13]
». Certes les prélèvements au bénéfice des
colons ont été conséquents et souvent centrés sur les meilleures terres (environ 1
million d’hectares en 1955), mais n’ont pas atteint l’ampleur de ceux de la colonisation en
Algérie par exemple.
- La législation a ainsi permis, en partie, la préservation des droits des
tribus sur leur patrimoine en évitant leur cession à des prix dérisoires. Ainsi, le
statut de terres collectives, introduit en 1919, contribua à protéger en partie les tribus en rendant
leurs terres inaliénables, insaisissables et imprescriptibles. Grâce à cela, les
communautés ethniques possèdent encore une part non négligeable de la superficie agricole, ce
qui a permis de contenir l’exode et de maintenir à la campagne des populations pour lesquelles
l’agriculture et la ruralité gardent un sens. Dans la transition difficile que va
connaître le monde rural la qualité de l’enracinement de ses habitants va lui permettre de mieux
supporter le choc des mutations à venir. C’est un atout qu’il importe de
préserver.
- Néanmoins, s’il reste nécessaire de contenir les
déstructurations de la ruralité traditionnelle, il n’en reste pas moins
qu’aujourd’hui, les nombreuses contraintes limitant les droits de propriété et la mise
sous tutelle de l’Etat d’un pourcentage important des terres, sont perçues par beaucoup comme un
obstacle à l’investissement et a l’accroissement de la productivité. Toute
réforme future visera sans nul doute à lever ces barrières mais elle devra aussi
s’attacher à ne pas perdre les acquis sociaux en protégeant les droits des plus faibles face
à un marché foncier plus ouvert.
- Les réformes en cours consistent pour une grande partie à démanteler
les dispositions volontaristes adoptées par le Gouvernement dans les premières années
après l’Indépendance. Cette réforme est en gestation depuis plus d’une
décennie au ministère de l’Agriculture au sein duquel la Direction des Aménagements
fonciers (DAF) mène une active réflexion dont témoigne le remarquable Atelier sur la politique
foncière (29-30 juin 2000). Cette nouvelle orientation de la politique agraire accompagne le changement qui
affecte la politique agro économique : ralentissement de l’effort en matière de grande
irrigation et réorientation en faveur de zones à priori de moindre potentiel comme le bour
(Périmètre de mise en valeur du bour, PMVB) et le pastoral. A la période de
mobilisation intensive et à grande échelle de l’eau succède celle de sa
préservation mais aussi de la préservation de la ressource en terre (défense et restauration
des sols, épierrage) et en pâturages (aménagements pastoraux).
- Dans le domaine foncier stricto sensu le Ministère de l’Agriculture, à
travers sa Direction des Aménagements fonciers (DAF)[14] propose une réforme selon quatre grands piliers :
- Sécurisation du droit de propriété, des transactions et de
l’exploitation ;
- Levée des entraves à la mobilité et à l’accès au
foncier ;
- Unification des régimes fonciers ;
- Promotion de l’agriculture de groupe.
- L’objectif général de cette étude est de rechercher
l’orientation de la politique foncière la plus favorable à la croissance. Dans cet
objectif, il faut à la fois sécuriser les terres, par la voie de l’immatriculation (ou de la
délimitation pour les grands espaces), et lever les obstacles aux transactions foncières. Cette
orientation du foncier pour la croissance est clairement en phase avec la réforme proposée par
la DAF, et repose sur les deux premiers grands piliers :
- Accroître la mobilité des biens fonciers en faisant reculer les
rigidités multiples, statutaires et structurelles, qui les paralysent. L’hypothèse sous-
jacente à cette orientation est qu’un marché foncier dynamique permet d’allouer les
terres vers ceux qui les valorisent au mieux pour la croissance économique. Cette fluidité est
donc nécessaire pour que les meilleures terres soient accessibles aux agriculteurs les plus
performants.
- Sécuriser les biens fonciers en améliorant les procédures de
reconnaissance, d’enregistrement et de protection des droits sur la terre. L’hypothèse
justifiant cette orientation étant que la sécurisation foncière est une condition
fondamentale de l’investissement. Elle peut d’ailleurs aussi contribuer à fluidifier le
marché foncier.
- Les deux autres piliers, à savoir l’unification des régimes fonciers
vers le melk ou pleine propriété privée, et la promotion de l’agriculture de
groupe sont en fait des moyens d’accroître les incitations à l’investissement et la
fluidité des biens.
Réforme des statuts qui restreignent la mobilité de la
terre
- Les statuts, qui maintiennent la propriété sous contrôle et la privent
de toute mobilité, représentent au niveau national 25% de la SAU. L’objectif des
réformes en cours, proposées par le Ministère de l’Agriculture, Direction de
Aménagements fonciers, est de réduire la part de ces statuts par un ensemble de textes, dont les plus
importants sont rappelés ici :
- Un projet de loi sur les terres collectives de culture, actuellement à
l’étude à la Direction des Affaires Rurales. Ce projet de loi propose de modifier le
Dahir du 25 juillet 1969 afin de légaliser les privatisations de fait par les ayants-droits,
d’encourager l’investissement et de lever les obstacles aux transactions foncières.
Celui-ci prévoit la reconnaissance légale de la privatisation de facto des terres collectives de
culture par les ayants-droit. La mise en œuvre de cette loi sera d’application difficile et
ne pourra se faire qu’avec la participation pleine et entière des collectivités
concernées. Il faut en effet s’attendre à des complications, car
l’individualisation de fait ne concerne que le simple usage des terres. Dès que la question
se pose en terme de propriété et qu’il s’agit de dresser une liste des futurs
propriétaires dans l’indivision de la terre collective, chaque ayant-droit légal revendique
sans aucune concession la totalité de ce droit dont il avait volontiers abandonné la jouissance[15].
- Ce même projet de loi prévoit de maintenir le statut collectif pour les
terres de parcours, compte tenu des spécificités de la gestion pastorale.
- La DAF a également formulé un projet de loi pour les terres guich
avec le même objectif: « Le droit éminent de l’Etat sera conféré
gratuitement et à titre privatif aux exploitants réguliers de parcelles de terrain
agricoles »
- Afin de légaliser les partages de fait des terres melk dans les
périmètres irrigués et les périmètres de mise en valeur bour, en
contravention avec la loi 34-94, la DAF a formulé un projet de loi visant à lever les restrictions au
morcellement et organiser les propriétés en indivision. La proposition de loi sur
l’indivision prévoit entre autres la constitution de groupements fonciers indivisaires (GFI) qui
deviennent propriétaires à part entière des terrains indivis, permettant de ce fait la libre
disposition de ces terres par voie de cession ou de location à long terme.
- LA DAF a enfin élaboré un projet de loi pour le melk, plus
général visant à autoriser l’achat de terres rurales par des personnes physiques
étrangères, et les personnes morales, levant ainsi l’interdiction de vente aux étrangers
qui avait été mise en place après l’indépendance.
- En ce qui concerne les lots de réforme agraire, les Autorités marocaines ont
en janvier 2005 modifié la législation sur proposition d’une commission
interministèrielle comprenant les Ministères de l’Economie et des Finances, de
l’Agriculture et de l’Intérieur), afin de lever les interdictions et obligations des
attributaires (Loi 05-01).
- Le tableau suivant résume les principales réformes des statuts
engagées par le Gouvernement marocain récemment.
Les principales réformes juridiques engagées par l’Etat marocain
sur les statuts fonciers
Catégorie
|
Texte
de loi
initial
|
Problématique
|
Réforme du Cadre
Législatif
|
Disposition clé
|
Texte y afférent
|
Institution responsable
|
Terres Collectives
|
Dahir du 27 avril 1919
|
Reconnaissance légale de l’individualisation de fait des
terres de culture.
|
« les terres de culture sont considérées
comme appartenant à titre privatif» aux ayants droit
|
Projet de loi relative aux terres collectives de culture
situées à l’extérieur des périmètres urbains
|
Ministère de l’Intérieur
|
Exceptions au caractère inaliénable des terres
collectives
|
« les terres collectives peuvent faire l’objet de
location… »
« les terres collectives situées à
l’intérieur des communes urbaines…peuvent …faire l’objet de
cessions »
|
Projet de loi organisant la tutelle administrative des
collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens
collectifs »
|
Ministère de l’Intérieur
|
Terres guich (non concédées)
|
Aucun
|
Reconnaissance légale de l’individualisation de fait des
terres de culture.
|
« Le droit éminent de l’Etat sera
conféré gratuitement et à titre privatif aux exploitants réguliers de parcelles de
terrain agricoles »
|
Projet de loi relatif aux terres agricoles ou à vocation
agricole guich non concédés
|
Ministères de l’Intérieur, et de l’Economie
et des Finances
|
Lots de réforme
agraire
|
Dahir du 29 décembre
1972
|
Elimination des contraintes relatives à la conduite de
l’exploitation et à sa disposition.
Héritage maintenant autorisé mais à un seul
héritier.
|
« Les interdictions et obligations cessent
d’être applicables aux attributaires après paiement intégral des lots
… »
|
Loi 05-01 modifiant le Dahir 29 déc 1972 relatif
à l’attribution de terres du domaine privé de l’Etat.
Publiée en janvier 2005,
Décret d’application émis août
2006
|
Ministères de l’Economie et des Finances ; de
l’Agriculture et des Pêches maritimes ; et de
l’Intérieur
|
Les principales réformes juridiques engagées par l’Etat marocain
sur les statuts fonciers (suite)
Catégorie
|
Texte
De loi
Initial
|
Problématique
|
Réforme du Cadre
Législatif
|
Disposition clé
|
Texte y afférent
|
Institution responsable
|
Lots de réforme agraire pré-
1966
|
Dahir du 9 juillet
1966
|
Attribution définitive des lots agricoles ou à vocation
agricole relevant du domaine privé.
|
Prix de cession fixé à son cours au moment de
l’attribution (majoré de 50% pour les acquéreurs et 100% pour les exploitants)
|
Loi No 05.01 relative à la cession de lots agricoles ou
à vocation agricole relevant du domaine privé
Publiée en janvier
2005,
Décret d’application émis en
août 2006
|
Ministères de l’Economie et des Finances ; de
l’Agriculture et des Pêches maritimes ; et de l’Intérieur.
|
Terres melk et autres terres en voie de
« melkisation »
|
-Contrôle des opérations
immobilières (1963)
- Dahir du 24 avril 1975
-Loi 34-94 sur le morcellement
|
-Levée des restrictions au droit de
propriété.
-Eliminer le concept de taille minimum d’exploitation dans les
périmètres d’irrigation et mise en valeurbour
-Incitation à la sortie de l’indivision par la gestion
sociétaire de l’indivision
|
- Levée des interdictions d’acquisition de
propriétés agricoles par les étrangers
-Abrogation de la limitation du morcellement
- Levée des restrictions à la vente, au
morcellement
- Accès au crédit pour acheter part de co-
indivisaires
- Création des groupements fonciers indivisaires (GFI) et
incitations
|
Projet de loi portant révision de certaines dispositions
relatives à l’acquisition de propriétés agricoles et au contrôle des
opérations immobilières.
Projets de loi relatif à la sortie et la liquidation des
propriétés dans l’indivision et morcellement des propriétés
agricoles
|
Ministère de l’Agriculture et des Pêches
maritimes
|
- II
La dualité du régime de sécurisation
foncière
- Au Maroc le régime traditionnel de droit musulman perdure au côté du
régime moderne de l’immatriculation. Ce dernier a été introduit par le Protectorat
pour donner une base juridique solide à la propriété coloniale (Dahir du 12
août 1913 sur l’immatriculation des immeubles et Dahir du 2 juin 1915 fixant la
législation applicable aux immeubles immatriculés). Bien que les immatriculations se soient
poursuivies depuis 90 ans, ce régime ne couvre qu’une fraction du territoire national (environ 30%
seulement des propriétés seraient immatriculées). Bien introduit dans les villes, il est
resté hors de portée de la grande majorité des propriétaires agricoles. Le
régime de droit musulman conserve donc toute son importance dans les zones rurales.
- La détermination du droit applicable aux immeubles en cours d’immatriculation
ou déjà immatriculés, pose de redoutables problèmes. L’art 106 du
Dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation des immeubles dispose que « sauf
codification à intervenir les dispositions du droit musulman qui ne sont pas contraires au présent
Dahir (…) s’appliquent aux immeubles immatriculés ». Or la
codification prévue est intervenue deux ans plus tard, sous la forme du Dahir du 2 juin 1915
formant code foncier de la propriété immatriculée qui régit donc désormais les
immeubles immatriculés. Il en résulte que ces immeubles échappent à la
compétence du droit musulman. Cette interprétation confirmée par une décision
judiciaire post indépendance (Arrêt de 12 mars 1958 de la Cour de Cassation) est cohérente avec
l’esprit du régime de l’immatriculation. En effet, le droit musulman admet les
prescriptions acquisitives et extinctives qui permettent par exemple d’acquérir un droit sur la terre
après une occupation de 30 ans ou au contraire de perdre ce droit par défaut d’occupation de 30
ans. Ces droits sont totalement incompatibles avec le caractère inattaquable dans le temps du titre
foncier.
- Le melk non immatriculé a toujours été depuis le
début du XXème siècle apprécié par comparaison avec la propriété
immatriculée. Il n’est guère surprenant que les experts coloniaux l’aient
considéré comme comportant de forts handicaps dans une perspective de mise en valeur
intensive.
Le melk non immatriculé vu par un expert
colonial en 1946
En 1912, nous avons trouvé au Maroc une situation
immobilière extrêmement confuse.
Si le statut des terres collectives, des biens domaniaux et des
habous demandait à être fixé, la propriété melk était
encore plus incertaine. Avant 1914, l’établissement des titres de propriété
n’avait pas été entouré de garanties suffisantes. Des actes faux avaient
été fabriqués en grand nombre. Dans les titres authentiques, les limites étaient
le plus souvent imprécises de sorte qu’il était difficile déterminer à quel
terrain ils s’appliquaient. Souvent plusieurs individus n’ayant aucun lien de droit ni de
parenté entre eux, détenaient chacun une moulkiya lui attribuant la propriété
d’un même domaine d’une même parcelle. D’autres fois, le même
propriétaire, souvent un individu qui n’avait ni droit ni détention actuelle, vendait un
même terrain successivement à plusieurs acheteurs, lesquels, évidemment entraient en conflits
lorsqu’ils voulaient prendre possession, s’ils ne trouvaient pas sur le terrain un tiers occupant qui
en jouissait depuis plusieurs années.
C’est ainsi que dans la zone suburbaine d’Agadir, les
mêmes terrains ont été vendus jusqu’à 7 fois en 1912 par des aigrefins qui
n’avaient aucun droit. Les acquéreurs, spéculateurs européens ou juifs, achetaient
sur titre sans avoir, au préalable, visités les terrains qui leur étaient vendus. En
outre, l’état d’indivision familiale, dans lequel se trouvent le plus souvent les musulmans,
ajoutait une complication supplémentaire à cette situation. Des ventes étaient souvent
consenties de la totalité d’immeubles, et sans employer la modalité de la safqa, par
des individus qui n’étaient titulaires que d’une part indivise.
|
Source : P. Roche. Centre
des hautes études d’administration musulmane. Paris 1er juin
1946
|
- Malgré les limites indiquées plus haut, la dualité des
systèmes d’administration des droits immobiliers est une richesse, car elle correspond à une
réalité socio-économique. Elle est le reflet d’une société et
d’une économie duales, avec d’un côté une population largement ancrée dans
la vie moderne et de l’autre une population qui reste attachée aux traditions ; ainsi, une
économie capitaliste de marché présente dans l’industrie, le tourisme, une grande partie
de l’habitat urbain ainsi que les grandes et moyennes exploitations agricoles, coexiste avec un secteur
traditionnel qui perdure dans l’artisanat, l’habitat périurbain et les petites exploitations
rurales. Il est sans aucun doute souhaitable de mettre en place des politiques foncières visant
à promouvoir le passage vers le système d’administration « moderne » des
droits, mais il faut reconnaitre que ce passage sera lent et ne saurait se faire de façon optimale sans
tirer parti des forces du système traditionnel. Le système traditionnel peut être
amélioré et favoriser ainsi le passage vers le système moderne (précision de la
localisation, de la contenance des immeubles concernés, enregistrement et miseà jour
régulière auprès des autorités concernées). Ces améliorations figurent
dans le projet de loi sur les droits réels immobiliers, proposé par le Ministère de la
Justice, qui a l’avantage d’unifier et de codifier les dispositions concernant les questions
foncières (voir Volume II).
Le melk non
immatriculé
Un immeuble melk est celui qui fait l’objet de la
pleine propriété privative, individuelle ou familiale.
Le droit applicable à ces
immeubles est, pour la plus grande partie, le droit musulman de rite malékite, tel du moins que les
cadis du Maroc l’ont appliqué. C’est un droit non
codifié.
Le fondement juridique du droit de
propriété des immeubles melk est le fait de la possession paisible, publique, à titre
de propriétaire, non interrompue pendant 10 ans à l’égard des tiers et 40 ans à
l’encontre des parents ou copropriétaires.
La preuve de la possession (essentielle
car à l’origine de presque toutes les contestations et litiges) est constituée par
l’acte adoulaire, dit moulkiya, par lequel deux adoul ou le plus souvent 12
témoins ordinaires, affirment le fait de la possession régulière. Cet acte, après
récolement des témoignages, est avéré et homologué par le cadi.
Il contient les indications concernant la localisation, la superficie et les limites de l’immeuble tels
qu’ils sont attestés par les témoignages.
La propriété melk peut être
transférée soit par acte adoulaire, soit par acte sous seing privé
enregistré soit par acte passé devant un notaire moderne pour un immeuble en cours
d’immatriculation, c'est-à-dire juste après le dépôt de
réquisition.
|
Source : Paul Delcroux.
« Droit foncier marocain » Rabat 1972. Mohammed Jalal Essaid
« Introduction à l’étude du droit » Rabat
1992.
|
- Du point de vue du droit, la différence entre les deux systèmes traditionnel
et moderne tient au fait qu’en droit musulman le fondement de la propriété est la possession[16] (ou
l’occupation sans contestation) ; alors qu’en droit « moderne » de
l’immatriculation, le titre est définitif et non opposable. Pour que la possession fasse droit
de propriété, il faut qu’elle soit paisible, de notoriété publique et
attestée par le milieu social du possesseur, en qualité apparente de propriétaire et de
manière ininterrompue depuis 10 ans (40 ans si les propriétaires d’origine sont de la
famille).
- L’acte de propriété traditionnel (moulkiya) est établi
par les notaires de droit musulman ou adoul (singulier adel), authentifié par le juge de
l’authentification des actes (cadi taoutik), et enregistré dans le Registre de la
propriété tenu au Tribunal de Première Instance, selon une procédure décrite
plus loin (ref. …). Dans la pratique, les affaires de propriété sont avant tout
considérées comme les affaires des parties elles-mêmes qui font appel aux adoul, ou
aux écrivains publics pour établir leur certificat de propriété (moulkiya) et
leur contrat de vente.
- Ainsi, pour prouver son droit de propriété sur un bien non
immatriculé, il faut être en mesure de présenter une
« moulkiya » ou un acte de vente. A défaut, on peut présenter
douze témoins qui déclarent devant deux adoul que la personne possède le bien depuis
plus de dix années. Fondée sur l’observation de la possession, la moulkiya
dépend donc du témoignage comme mode de preuve. Néanmoins, cette voie n’est
socialement praticable qu’à certaines conditions qui tendent à disparaître avec
l’ouverture de la société :
- Les opérations foncières sont rares et limitées à un milieu
très local où la situation des droits de chacun est connue de tous.
- La valeur des témoignages est garantie par des institutions (cadi,
adoul) dont la probité, directement liée à la morale religieuse, est reconnue par la
société.
- Un enregistrement centralisé des actes dans un registre officiel, coté et
paraphé, dans lequel les inscriptions obligatoires sont soumises à des règles strictes
et facilement accessibles au grand public. Cette procédure permet le contrôle par la
publicité de la véracité des actes et limite le risque d’inscriptions de droits de
requérants différents sur la même parcelle.
- Contrairement au titre de propriété immatriculée, la
moulkiya ne prouve pas la propriété irréfutable du bien. Néanmoins,
avant l’introduction du titre foncier, la moulkiya offrait une sécurisation
réelle. Elle présente encore des avantages certains. Préparés par les
adoul, présents sur tout le territoire, elle est bien comprise des populations rurales, elle est
aussi d’accès aisé, et son coût est faible. Avec les nouvelles dispositions du projet de
loi sur les drotis réels immobiliers, la moulkiya offrira une sécurisation
meilleure par rapport à la situation actuelle.
- Le régime moderne de l’immatriculation foncière a été
introduit par Décret Royal en 1913 (Dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation des
immeubles) mais il n’a pu être appliqué qu’après le Dahir du 2 juin 1915
fixant la législation applicable aux immeubles immatriculés et la création de la
première Conservation foncière en 1915 également. A l’époque du
Protectorat, le pays était divisé entre Zone Sud française et Zone Nord sous l’emprise
de l’Espagne. Dans la Zone Nord, l’enregistrement de la propriété
était régi par le Dahir Khalifien du 14 juin 1914 instituant dans les territoires soumis au
protectorat espagnol un « enregistrement des actes de moulkiya et l’établissement
de titres par le Servicio de la Propiedad ». Dans ce régime, le secrétariat du greffe, le
« Registrador », faisait office de conservateur de la propriété
foncière, mais, à la différence de l’immatriculation, ne prévoyait pas de
topographie, et offrait donc une procédure moins complète que l’immatriculation. Les
titres « registradores » ressemblent à la « moulkiya »,
acte adoulaire qui présume la propriété mais ne donne pas un droit de
propriété définitif et incontestable. Le régime de 1913 a été
étendu à la zone Nord par le décret Royal du 24 octobre 1966 « rendant applicable
dans l’ancienne zone de protectorat espagnol le régime de l’immatriculation en vigueur en Zone
Sud et instituant une procédure spéciale d’abornement des immeubles ayant fait l’objet de
titres fonciers.
- L’immatriculation est un mode d’enregistrement et de publicité des
droits qui peuvent eux-mêmes être variés. Ce régime se superpose donc aux statuts
juridiques. Ainsi, les terres collectives et habous tout comme le melk et les terres du
domaine privé peuvent être immatriculées. De fait, l’immatriculation n’est
pas contraire au droit coutumier ou au droit musulman.
- Cette opération d’immatriculation menée par le conservateur de la
propriété foncière consiste à inscrire sur des registres spéciaux,
appelés « livres fonciers », chaque immeuble/parcelle sous un numéro
d’ordre unique, avec des déterminations topographiques et juridiques propres à préciser
exactement et définitivement le droit de son propriétaire. L’inscription fait suite
à un double processus :
- la délimitation précise de l’immeuble sur le terrain et sa
restitution sur des mappes cadastrales, qui confèrent aux limites du terrain (ou de l’immeuble) et
à sa contenance une valeur juridique (cadastre juridique) ;
- la purge (ou apurement des droits) visant à donner à la
propriété un point de départ précis et à le débarrasser de tous droits
réels ou charges foncières antérieures à l’immatriculation.
- Dérivé du système Torrens, qui a fait ses preuves dans de nombreux
pays[17],
l’immatriculation délivre un titre foncier définitif et inattaquable.
L’immatriculation ne procure donc pas seulement un titre de propriété, mais il assainit ce
titre. En conséquence, tout acheteur potentiel d’un bien immobilier peut consulter le livre
foncier et s’y fier totalement, sans risque de contestation ultérieure du titre qu’il
acquiert. Et s’il arrive que les droits de l’un des opposants à l’immatriculation
aient été gravement lésés par la décision d’immatriculation, et que cette
injustice ait été reconnue, il n’a aucun droit à la restauration de ses droits sur le
bien immobilier mais seulement à des dommages et intérêts.
- La publication au livre foncier des droits réels constitués sur les
immeubles postérieurs à leur immatriculation est assurée par la formalité de
l’inscription. Mais cette mise à jour du titre pour l’inscription quand il y a
modification des droits réels (vente, héritage, découpage etc.) n’est pas toujours
faite bien qu’elle soit obligatoire (Art 65 du Dahir du 12 août 1913). Ce
problème est aigu en milieu rural (40% des titres ne seraient pas à jour). Les retards dans les
mises à jours ne sont donc pas liés au silence de la loi mais à l’insuffisance de son
application.[18] Le Dahir
du 12 août 1913 fait actuellement l’objet d’un projet de loi le modifiant et le
complétant.
- Une fois une terre immatriculée, ayant donc reçu un titre foncier, et dont
les droits ont été assainis), elle peut à son tour être morcelée, donnant ainsi
lieu à de nouveaux titres fonciers à bien moindre coût que le processus initial de purge.
Ce morcellement est fréquent en zones urbaines dû aux lotissements, immeubles d’appartements
multiples etc.
- Le transfert du droit de propriété lors d’une transaction
foncière est établi par acte, qui constitue dès lors le mode de preuve de ce transfert.
Ces actes sont établis par les adoul (présents partout) ou par les notaires (moins
présents). Les notaires ne peuvent établir des actes que pour les propriétés
immatriculées, alors que les adoul peuvent les établir tant pour les biens
immatriculés que non immatriculés. Dans le régime traditionnel cet acte (de vente, de
succession etc.) est enregistré au Tribunal d’Instance. Dans le système moderne, il est
inscrit à la Conservation Foncière et un nouveau titre est établi.
- Dans la législation marocaine, il existe deux types d’actes :
l’acte authentique (adoulaire ou notarial établi par des professionnels assermentés)
; et l’acte sous seing privé établi par les parties elles mêmes (ou le plus souvent
par l’intermédiaire de l’écrivain public) et pour lesquels seule l’authentification
des signatures par un officier public de la commune est exigé. Ainsi la Conservation Foncière
estimait en 2005 que les actes qui lui étaient présentés étaient pour 85% des actes
adoulaires, pour 10% des actes sous seing privé et pour 5% des actes notariés[19]. Ces actes de
nature diverse ne respectaient pas toujours la légalité dans la forme et dans le fond. Il en
résultait des difficultés ultérieurement lors de la transmission de l’acte à la
CF pour immatriculation ou inscription, et le rejet de nombreux actes adoulaires. Pour cette raison,
le Ministère de la Justice a récemment adopté une réglementation plus stricte des
professions d’adoul et d’écrivain public (les nouveaux adoul sont
désormais au moins licenciés en droit), et le projet de Code sur les Droits Réels
prévoit le recours obligatoire à l’acte authentique.
- La multiplicité des statuts, à laquelle se superpose la diversité des
types de terrain (urbain, rural, industriel, etc.) et la dualité du système de sécurité
foncière, font qu’un grand nombre d’intervenants et d’institutions se partagent, et
souvent se superposent, dans l’administration et la gestion du foncier au Maroc.
- En général, le patrimoine foncier est géré par l’Etat
à des fins multiples : définir la politique d’utilisation et d’aménagement
des terres, assurer la sécurité de l’occupation, faciliter aussi bien les transactions
immobilières, que l‘aménagement territorial et la collecte des taxes foncières,
protéger l’environnement, gérer son propre domaine etc. En plus de ces fonctions classiques,
comme il a été souligné ci-dessus, l’Etat marocain intervient aussi pour superviser et
contrôler l’utilisation de terrains sous statuts particuliers et assujettis à des restrictions
dans leurs droits de propriété et d’usage. Cet ensemble de fonctions donne naturellement
lieu à de très nombreux intervenants sur la question foncière, dont les plus importants en ce
qui concerne la propriété foncière sont brièvement rappelés ci-dessous.
- En Zones Rurales, c’est la Direction des Aménagements Fonciers (DAF)
qui définit la politique et les réformes foncières. La même Direction est en
charge de l’aménagement foncier agricole, notamment le remembrement et la mise en valeur de
périmètres agricoles en zones bour (pluvial). La DAF exploite les résultats du
Recensement Général Agricole (RGA) et fournit des statistiques précieuses sur la situation des
exploitations et du parcellaire. Depuis une décennie, la DAF mène une active réflexion
sur la nécessaire réforme foncière au Maroc, dont témoigne l’Atelier sur la
Politique Foncière (29-30 juin 2000), atelier dont les analyses et conclusions ont été
concrétisées au travers de projets de loi, adoptés ou en cours
d’étude.
- Concernant le foncier industriel, les responsabilités dans la planification,
l’aménagement, la commercialisation et la gestion, sont partagées entre plusieurs organismes
étatiques, avec un rôle limité pour le secteur privé (voir Volume IV de cette
étude) : Domaine National, Ministère de l’Intérieur, Centres Régionaux de
l’Investissement, Ministère du Commerce, de l’Industrie et de la mise à Niveau de
l’Economie, Gouvernorats, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de
l’Environnement, etc.
- Le domaine public de l’Etat (routes, ports, rivages etc.) est placé
sous le contrôle et la gestion du Ministère de l’Equipement. Il est imprescriptible et
inaliénable, mais peut être déclassé en domaine privé.
- Le domaine privé de l’Etat hors domaine forestier est
géré par la Direction des Domaines du Ministère de l’Economie et des Finances et par des
Sociétés d’Etat pour les terres agricoles (SODEA, SOGETA). La Direction maintient un
inventaire informatisé de son domaine, comprenant aujourd’hui 36 000 immeubles pour une superficie de
730,000 ha (622.480 ha seulement, une fois enlevées les terres guich). 58% des terrains ont
été immatriculés, 33% sont en cours d’immatriculation, les 9% restants ne font
l’objet d’aucune procédure. Jusqu’à présent, l’utilisation de ces
terres par location éait difficile du fait que la durée –courte- de location
autorisée ne permettait pas aux locataires d’entreprendre des investissements importants. Cette
lacune vient d’être corrigée par la promulgation d’une circulaire du Premier Ministre qui
autorise des locations de terrains domaniaux de longue durée et des programmes de partenariat public-
privé sur les terrains gérés par la SODEA et la SOGETA pour des durées qui peuvent
aller jusqu’à 40 ans.
- Bien évidemment, les terrains privés de l’Etat ne constituent
qu’une faible part des espaces nécessaires au développement des villes et des activités
économiques. Aussi la Direction des Domaines s’applique à élargir le domaine
privé par des acquisitions et expropriations (787 immeubles pour 516 ha ont été acquis en
2004). En parallèle, elle réalise des ventes au profit des secteurs industriels et
touristiques, et de l’habitat.
- Du point de vue des Domaines, la disponibilité en terres n’est pas un
problème, mais bien plutôt l’extrême longueur des procédures d’acquisition,
rendue d’autant plus complexe que la situation juridique des terrains à acquérir est souvent
confuse. Ici comme ailleurs, l’urgence se fait sentir d’un assainissement juridique des droits de
propriété.
- Le domaine forestier est géré par le Haut Commissariat aux Eaux et
Forêts, en charge de 9 million d’hectares dont à peine 10.000 seraient immatriculés. 82%
de ce patrimoine est délimité, la délimitation constituant une étape qui favorise
l’immatriculation.
- Pour rappel, les terres sous statut autre que le melk (ou de plein droit
privé) sont sous tutelle particulière : les trois Ministères (Economie et Finances,
Intérieur, et Agriculture et Pêches maritimes) pour les lots de la Réforme Agraire ;
le Ministère des Habous et Affaires Islamiques pour les terrains et immeubles
habous ; et le Ministère de l’Intérieur pour les terres collectives qui occupent,
on l’a vu, des superficies immenses, la réserve foncière collective étant estimée
à 12 millions ha.
- L’objet essentiel de la Direction des Affaires Rurales du Ministère de
l’Intérieur est aujourd’hui de permettre aux exploitants ou propriétaires de fait des
terres collectives de mieux valoriser leurs terres, et non plus seulement d’appliquer des règles
obsolètes. En effet, l’existence de nombreux conflits (voir ci-dessous), le décalage
entre le statut juridique collectif et la réalité de la propriété individualisée
(en zones agricoles), a mis à jour la nécessité d’une part d’adapter la
législation, d’autre part d’assainir la situation juridique de ces terres.
D’où l’importance du projet de loi proposé par le Ministère de l’Agriculture
sur la reconnaissance des prívatisation de fait par les ayants-droit sur les terres de
culture.
- Le système d’administration des droits de propriété
reflète la dualité du régime foncier marocain avec :
- une administration de Droit Musulman sous tutelle du Ministère de la
Justice (concernant les biens non immatriculés, NI); et
- une administration de Droit Moderne : L’Agence Nationale de la
Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), sous la tutelle formelle du
Ministère de l’agriculture, concernant les biens immatriculés.
a. L’administration de droit musulman
- Les tribunaux de première instance (TPI) se trouvent au cœur du dispositif de
l’administration des droits fonciers musulmans. C’est à leur niveau que siègent les
juges responsables de l’authentification des actes (cadi taoutik). En pratique les juges du
TPI sont polyvalents : ils jugent aussi bien les affaires foncières que les autres affaires
civiles. En plus d’exercer leurs fonctions judiciaires, ces juges peuvent être nommés
juges de cadi taoutik. Cette nomination par décret du Ministre de la Justice se fait pour
trois ans renouvelables.
- C’est également au niveau des TPI que sont tenus les divers Registres des
actes, au nombre de quatre, dont le Registre de la propriété non immatriculée. Les actes
de propriété (moulkiya) et les actes de vente (des biens non immatriculés), y sont
intégralement recopiés par des greffiers qui sont des officiers publics assermentés.
- La moulkiya est établie par un adel ou notaire de droit
musulman. Les adoul forment un corps de profession libérale, dont les compétences, les
droits (y compris le barème des honoraires) et les devoirs sont réglementés par le
Ministère de la Justice. Ils remplissent le
rôle de témoin officiel et de greffe en matière notariale et exercent leur profession par
deux. Ils sont nommés par le Ministère de la Justice et supervisés par la Cour
d’appel. Les adoul
sont assistés de copistes
nommés par le Ministère de la Justice et rémunérés au forfait. Il y aurait
environ 10.000 copistes en activité.
- Les adoul sont sous le contrôle direct des cadi taoutik, qui
vérifient et visent leurs actes ainsi que les documents de procédure et les carnets
adoulaires. Présents partout, ils sont environ 4,000[20] dans tout le pays (224 pour les quelques
650,000 habitants de la Province de Meknès par exemple). Traitant à la fois des affaires de
biens et de famille, les adoul sont bien connus de la population. Se déplaçant chez
leurs clients et remplissant nombre de formalités administratives pour leur compte, ils sont
d’accès aisé. Ainsi le système judiciaire traditionnel très enraciné
dans la société villageoise offre des solutions connues et accessibles à tous, et recourt
à des règles familières inscrites dans une morale religieuse qui a un sens pour eux.
b. L’administration de droit moderne
- L’Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la
Cartographie (ANCFCC), « l’Agence », est l’acteur clé du régime dit
de l’immatriculation. Elle est chargée de 3 missions principales, remplies par trois
Directions:
- La Conservation Foncière (CF), dont l’objet principal est de garantir
le droit de propriété par la délivrance de titres de propriétés
(procédure de l’ « immatriculation ») et leur mise à jour par
l’inscription des actes (transaction, mutation, hypothèques etc.) sur les livres
fonciers.
- Le Cadastre qui délimite la propriété foncière (sa
superficie, ses coordonnées, sa situation géographique, etc.).
- La Cartographie qui poursuit et améliore la couverture cartographique du
pays et la définition du référentiel géodésique.
- De par ses attributions, l’ANCFCC dispense des services à un grand nombre
d’utilisateurs très diversifiés (grand public, nombreuses administrations intervenant dans le
foncier, banques, avocats, collectivités locales etc.).
- La coexistence de ces trois métiers au sein d’une seule institution lui
confère un avantage certain, car elle facilite la coordination du travail des équipes ainsi que
l’intégration des systèmes d’information cartographique, juridique et cadastrale de la
propriété. De plus, son statut d’agence décentralisée et
déconcentrée lui donne l’autonomie souhaitée. Elle reste formellement sous la
tutelle du Ministère de l’agriculture mais la composition de son Conseil d’Administration[21]
, présidé par le Premier Ministre, reflète mieux
son rôle central de service aux nombreux intervenants sur la question foncière.
- L’Agence est un organisme important de l’administration marocaine, avec plus
de 4,500 employés, 70 Services Extérieurs de la Conservation Foncière, 60 Services
Extérieurs du Cadastre, et un budget de fonctionnement autour de 450 millions de dirhams en 2006. Ses
recettes, provenant des droits de la Conservation Foncière, dépassent largement son budget, ce qui
permet à l’Agence, après investissements, de reverser chaque année des sommes
importantes et croissantes au budget de l’Etat (700 millions de Dh en 2006)[22]. Ses
recettes croissent rapidement et son potentiel financier et économique pour le pays est
considérable.
- Jusqu’en 2005, l’Agence était loin de répondre à la
demande de sécurisation foncière, et accusait un retard considérable, avec un stock toujours
croissant de dossiers en instance d’immatriculation. Depuis lors, l’ANCFCC s’applique
à accroître son efficacité, moderniser ses méthodes de travail et améliorer la
qualité de ses services.
- Du point de vue de la protection des droits fonciers, les services clés de
l’Agence sont la Conservation Foncière et le Cadastre Juridique[23].
- La Direction de la Conservation Foncière (CF) est chargée de la
partie juridique de l'immatriculation foncière. Elle :
- reçoit les réquisitions d'immatriculation ;
- procède aux formalités de publicité;
- reçoit les oppositions ;
- suit la procédure de purge des droits et décide
l'immatriculation ;
- inscrit les actes sur le livre foncier ;
- porte les mentions sur le livre foncier;
- conserve les documents relatifs aux immeubles immatriculés
;
- met à la disposition du public l'information
désirée.
- La Direction du Cadastre, et notamment le département du cadastre
Juridique, est chargée de la partie topographique et cadastrale. Ses attributions peuvent
être résumées comme suit :
- exécution des opérations nécessaires à
l'immatriculation foncière, en particulier le bornage, le levé topographique et
l'établissement des plans de propriétés foncières;
- contrôle, vérification et réception des travaux topographiques
effectués par les entreprises privées dans le cadre des marchés de levés cadastraux
;
- triangulation de 3ème ordre et 4ème
ordre;
- polygonation des villes;
- mises à jour et archivage des documents topographiques;
- la mise à la disposition du public l’information
désirée.
- De fait, le Cadastre Juridique Marocain est un cadastre sporadique du fait que
l’immatriculation foncière est généralement facultative. Il fait partie de la
procédure de l'immatriculation (bornage et levé), et participe à la détermination
juridique et physique de la propriété en produisant un Procès Verbal de bornage et un plan
foncier de la propriété établi par un levé régulier (levé cadastral); ce
levé permet la détermination numérique des coordonnées des bornes (avec une
précision relative de 14 cm en milieu rural et 6 cm en milieu urbain) fixant les limites de la
propriété. La totalité de la superficie immatriculée est couverte par ce Cadastre
(soit 2.800.000 hectares).
- Il existe aussi un Département du Cadastre National qui gère un inventaire
de données géographiques, économiques et sociales portant sur les propriétés,
quel que soit leur statut foncier, et les propriétaires apparents, relatifs à une commune rurale[24]. Cet
inventaire, a été réalisé entre 1973 et 1983 en vue de servir des objectifs
d'aménagement du territoire, Il ne couvre guère que 1.600.000 hectares (114 communes soit moins
de 10% des communes). Ce cadastre ne peut remplir ses missions fondamentales, s'il n'est pas
généralisé et mis à jour sur l'ensemble du territoire national ou au moins les
régions présentant une très forte activité économique (agricole, industrielle,
touristique, …). Très incomplet, et sans procédure de mise à jour, il n’est
plus aujourd’hui d’une grande utilité. L’accélération d’un
cadastre multi-objectifs, avec pour base la cartographie numérique généralisée et la
mise en oeuvre du cadastre juridique, par des opérations d’immatriculation d’ensemble, est une
voie souhaitable et celle choisie par le Maroc.
- L’indivision, ou co-propriété, caractérise essentiellement les
propriétés de statut melk, qu’elles soient immatriculées ou non. Dans ce
cas, le bien appartient à plusieurs copropriétaires, chacun ayant une part bien définie :
la quote-part, qui s’exprime par une fraction de la propriété indivise.
L’indivision peut résulter d’un achat conjoint, mais le plus souvent, elle résulte de la
dévolution successorale.
- Les droits du propriétaire melk sont en effet limités par le
régime de succession musulman (la moudawana) qui obéit aux dispositions de la
chariaâ qui garantit la reconnaissance à tous les héritiers, hommes ou femmes,
d’une quote-part sur les biens et classifie les quotes-parts selon le lien de parenté des
héritiers. Si les parts revenant aux hommes sont supérieures à celles revenant aux
héritières, ces dernières – épouse ou filles - ne peuvent pas être exclues
et sont protégées par la loi. Malheureusement, le caractère patriarcal de la
société traditionnelle fait que la coutume prime souvent sur le droit formel. Il est en effet
encore de tradition dans de nombreuses régions (rurales en particulier) du Maroc, d’écarter les
femmes ou filles de l’héritage des immeubles. Ces usages contraires à la
chariaâ traduisent un attachement au fait que la terre doit rester entre les membres mâles de
la famille et que la cohésion de cette dernière prime sur les droits de propriété
individuels.
- Ce phénomène qui s’accumule d’une génération
à une autre, est particulièrement marqué en zone rurale. 75% de la SAU y est de statut
melk et même si ce dernier relève de la propriété privée et dispose donc
d’une liberté formelle de transaction, la réalité est tout autre :
l’indivision y étant répandue, la mobilité des actifs en est limitée, car le
statut d’indivision empêche toute transaction formelle sur le bien, sans l’accord de
l’ensemble des co-héritiers. Seules échappent à l’indivision les
propriétés qui ont fait l’objet d’un achat individuel et dont l’acheteur est encore
vivant ou celles qui ont été officiellement partagées entre les cohéritiers. Les
partages formels sont rares dans les grandes propriétés, et exceptionnels dans les petites. La
raison est simple : l’indivision est le seul moyen d’éviter la dispersion en petites parts
et elle constitue la première réponse des familles au démembrement du patrimoine familial. Les
héritiers sont confrontés aux difficultés administratives et d’aboutissement des
procédures de partage. Le partage est évité pour échapper aux paiements des
droits. Dans l’irrigué, les partages sont interdits lorsqu’ils aboutissent à des
exploitations de moins de 5 ha
- Quoi qu’il en soit les héritiers sont souvent plusieurs et parfois nombreux,
et la condition de l’indivision peut se prolonger sur plusieurs générations, conduisant
à des situations d’indivision très complexes. Il est à noter que le droit de
chaque indivisaire porte sur l’ensemble et non sur une partie déterminée du bien commun.
Ce qui est partagé entre les héritiers c’est le droit de propriété sur le bien et
non le bien lui-même ; ce bien est indivis. Les parts de chacun n’ayant pas de
matérialité sur le terrain, une régularisation des droits de propriété
nécessite des calculs de quote-part assez compliqués mais qui sont très bien maitrisés
par les notaires de droit musulman ou adoul. Mais il faut souligner que bien que les
propriétés soient en indivision, juridiquement parlant, sur le plan de l’exploitation, celle-ci
est ne général individuelle.
- Ce régime successoral n’a pas été sans avantage. En
l’absence de développement économique non agricole suffisamment dynamique, elle a permis
à une grande partie de la croissance de la population de rester sur place freinant ainsi l’exode
rural. A l’inverse dans un contexte de croissance économique, l’indivision apparaît
comme un obstacle à la mise en valeur et à l’ouverture du marché
foncier.
Estimation de l’étendue de l’indivision : un phénomène en
croissance.
- Les différentes enquêtes réalisées au Maroc convergent sur le
fait qu’on peut considérer qu’au moins la moitié des terres melk sont dans
l’indivision.[25]
De plus, le melk non indivis est toujours une situation de sursis en
attendant l’ouverture d’une succession. Toute propriété melk est donc
destinée à tomber dans l’indivision et les propriétés immatriculées
elles-mêmes n’y échappent pas car le régime successoral s’applique à
celles-ci de la même façon.
- Selon l’enquête menée par la Direction des Aménagements Fonciers
en 1997 sur les propriétés tant immatriculées que non immatriculées, l’indivision
toucherait 46% des propriétés pour une proportion quasi égale de la SAU. Elle ne
toucherait que 36% des propriétés immatriculées. En revanche, 71% des
propriétés moulkiya seraient en indivision. Dans la presque totalité des cas
(94%), les propriétés regroupent des héritiers. Par ailleurs, 63% des cohéritiers
semblent tenir au maintien du patrimoine familial ; pour ceux qui aimeraient en sortir, la procédure
est trop longue et trop coûteuse, ce qui les retiendrait de demander le partage.
Tableau 3 : Importance de l’Indivision dans le
melk
|
Propriétés
immatriculées
Enquête ANCFCC
1996
|
Toutes propriétés
Enquête DAF
1997
|
Pourcentage de propriétés en
indivision
|
36%
|
46%
|
Importance de la superficie en indivision
|
30%
|
46%
|
Nombre moyen d’indivisaires par
propriété
|
7
|
7
|
Superficie moyenne par indivisaire
|
1.7ha
|
2ha
|
- D’après l’enquête de 1997, l’ensemble des co-indivisaires
exploite la propriété indivise dans 39% des cas, et dans 34% des cas celle-ci est exploitée
par un ou plusieurs indivisaires. Dans un certain nombre de cas, (non connu), la propriété
indivise est de facto individualisée (chaque co-indivisaire cultive la même parcelle depuis
longtemps), ce qui constitue le cas le plus favorable pour la sortie de l’indivision. Dans ces cas, un
programme d’immatriculation d’ensemble gratuit peut contribuer à accélérer la
sortie de l’indivision (cas de Bittit)[26].
Indivision et immatriculation
- L’enquête réalisée en 2007 par la Banque mondiale dans la
région de Sefrou et Meknès a permis d’apporter un éclairage sur l’indivision (voir
Volume III de cette étude). Le pourcentage des exploitations en situation d’indivision est de 50
% à Meknes et de 57 % à Sefrou (Graphe 1). Le taux d’indivision augmente avec
l’immatriculation : 58% des exploitations avec au moins une parcelle immatriculée sont indivises
à Meknès alors que l’indivision n’atteint que 42% des exploitations sans titres. De
même à Sefrou, ces pourcentages sont de 59% contre 53%.
Graphe 1 : Immatriculation et
indivision
Exploitations en indivision (%)
|
Exploitations en indivision (%)
|

|

|
Note : la différence est
statistiquement significative à 1% à Meknes, mais n’est pas significative à
Sefrou.
|
Note : la différence est
statistiquement significative à 1% à Meknes, et seulement à 10% à
Sefrou.
|
- La présence plus importante de l’indivision parmi les exploitations
immatriculées pourrait s’expliquer par le fait que les mécanismes de sortie de
l’indivision ne sont pas les mêmes, que l’on soit dans le cas d’une propriété
immatriculée ou non. Il semblerait que le fait qu’une parcelle soit immatriculée rende
l’accord de partage entre co-héritiers plus difficile, d’une part parce que le morcellement
d’une propriété titrée coûte cher (même si les droits d’enregistrement
ont été ramenés de 5% à 1% de la valeur du terrain dans le cas d’une
propriété titrée indivise). D’autre part, le titre augmente la valeur de la
propriété (d’environ 40% à Sefrou, 10% à Meknès) et partant, les montants
à rembourser aux co-héritiers qui renonceraient à leur part de terres contre paiement de leur
quote-part. Enfin, la terre ayant plus de valeur fait que les co-héritiers sont probablement
plus intéressés à faire valoir leurs droits.
- Lorsque l’on interroge les exploitants sur les raisons de maintien de
l’indivision, 24 % signalent que le sentiment de lien avec la famille est soit très important,
important ou plus ou moins important. Une proportion semblable mentionne les moyens financiers limités
pour indemniser les co-héritiers. Une proportion moindre mentionne le fait que la
propriété est déjà exigüe (19%) ou les désaccords entre indivisaires
(18%).
- Il existe plusieurs mécanismes juridiques de sortie de l’indivision [27]:
- La sortie amiable, sans intervention judiciaire : le partage ou l’acquisition
de l’ensemble des parts indivises par un seul indivisaire au moyen de l’exercice du droit de
Chafâa (pour le non immatriculé) ou du droit de préemption (pour
l’immatriculé).[28]
- La sortie « forcée » qui peut intervenir :
- Soit sans l’intervention judiciaire par le biais de la vente safka
(qui permet à un co-indivisaire de vendre directement à un tiers ses quotes-parts indivises ou la
totalité de l’immeuble (sauf exercice par les autres co-indivisaires du droit de dhom leur
permettant de se substituer à l’acquéreur) ;
- Avec l’intervention judiciaire par le biais de la vente par licitation
judiciaire.
- Cependant, ces mécanismes sont peu utilisés dans les zones rurales car les
obstacles y sont nombreux :
-
-
- l’accord amiable n’est pas toujours possible, les quotes-parts
sont imprécises[29], le
recours à l’institution judiciaire est lent et complexe ;
- la procédure de sortie de l’indivision est longue et son
coût élevé (droits d’établissement de l’acte, frais d’enregistrement
et droits de conservation foncière) ;
- la vente globale de toute la propriété indivise, n’est
possible qu’à la condition, rare, d’obtenir l’accord de tous les
héritiers ;
- la vente safka n’est plus
pratiquée ;
- la vente d’une part indivise à une personne non-
héritière est possible mais peu usitée pour au moins trois raisons :
- elle concerne souvent des superficies trop
réduites ;
- elle est menacée par le droit de retrait (chef’aa) que
n’importe quel cohéritier peut exercer ;
- si elle était exercée, elle mettrait l’acheteur
extérieur aux prises avec un groupe familial pas nécessairement favorable à l’intrusion
d’un étranger dans l’indivision familiale.
- Les difficultés sont parfois aggravées par la
réglementation, comme par exemple :
-
- l’interdiction du morcellement pour ne pas créer des exploitations au
dessous d’une certaine superficie dans les périmètres d’irrigation, ceux de mise en
valeurbouret ceux de remembrement. De même le contrôle des opérations de
morcellement des propriétés situées dans les zones périphériques des communes
urbaines[30]
.
-
- Le fait que chaque co-indivisaire peut vendre sa part mais aussi la constituer en
nantissement. En pratique l’hypothèque d’un bien indivis bloque le bien, ce qui
empêchera tout partage. Et, une fois le prêt remboursé la radiation n’est pas
automatique et cette démarche payante n’est généralement pas faite.
- Toutes ces difficultés n’empêchent pas le partage en jouissance
après simple accord verbal ou tacite. Les situations de partage de fait sont fréquentes et
seraient évidemment les plus faciles à résoudre. D’ailleurs, les mesures qui
permettent d’éviter les procédures longues et coûteuses pour sortir de l’indivision
donnent des résultats.
- On a vu que l’obtention de droits de propriété
« moderne », bien que souhaitable, ne résoudra pas la question du blocage des
transactions foncières, en raison du nombre grandissant des indivisions et la paralysie qu'elles
engendrent dans la gestion des biens concernés.
- L’indivision n’est pas la conséquence de la forme administrative du
droit de propriété, moulkiya ou titre. Elle est provoquée par le régime
successoral de droit musulman. Le problème est lié au fait que le régime
successoral est un domaine sensible car lié directement au droit musulman considéré comme une
composante de l’identité du pays. Une réforme touchant ce droit ne peut être
considérée comme une simple affaire de technique juridique. D’ailleurs toutes les mesures
légales adoptées pour aménager ce droit (limitation du morcellement dans le code des
investissements de 1969, loi 34-94) n’ont guère été suivies d’effet, ce en raison
des difficultés objectives qui relèvent de l’économique, de l’historique et du
culturel.
- D’ores et déjà, des mesures incitatives favorables ont
été prises, par exemple les droits d’enregistrements ont été réduits de 5%
à 1% pour les partages résultant des sorties de l’indivision.
- La DAF a préparé un projet de loi instituant le Groupement Foncier
d’Indivisaire (GFI), assorti d’incitations financières : afin d’une part, de
supprimer les dispositions relatives aux interdictions de vente des parts indivises qui étaient en vigueur
pour éviter que la taille des propriétés tombent au dessous d’un seuil minimum ; et
instituant le Groupement Foncier d’Indivisaire (GFI), assorti d’incitations financières.
L’avantage du GFI serait d’une part d’éviter les partages sauvages et d'autre part de
donner à l'exploitant la sécurité suffisante pour lui permettre de bien faire son
travail. L’objectif est de résorber progressivement l’indivision qui limite
l’investissement, en transformant les droits réels des indivisaires (quote part indivise) en droit de
créance sur le groupement (quote part indivise), ce qui aura pour résultat d’éviter les
partages individuels, encouragerait une gestion sociétaire des terres agricoles[31], ainsi que la possibilité, en
cas de désaccord de louer les terrains. La sortie de l’indivision en serait
facilitée.
- Cette proposition a été analysée par Xavier Bleicher[32] qui note que:
-
- Sur le plan économique, on peut craindre que cette formule soit
difficilement utilisable dans de petites exploitations dans lesquelles les intérêts en cause sont
sans commune mesure avec le formalisme ainsi créé.
-
- On peut aussi craindre que la dématérialisation de la terre (qui
devient papier) soit difficile à faire admettre en pratique. Il faudra bien expliquer que la
dépossession est opérée dès la signature des statuts, et sans espoir de retour, surtout
si l'article 27 est maintenu en l'état (article qui interdit les ventes aux
apporteurs).
-
- Au surplus peut-on s'interroger sur la compétence technique des
adouls dans le domaine du droit des sociétés comme aussi sur la capacité des notaires à
se mettre à la portée des petits exploitants dans le secteur rural dans lequel ils sont peu
présents.
- Il convient donc de s’interroger si cette formule constitue une solution
généralisable au problème de l‘indivision, ou bien si elle est intéressante avant
tout pour les grandes exploitations, des terres détenues par des indivisaires dont certains ont
quitté la campagne ou même le Maroc, des exploitations déjà bien organisées qui
nécessitent de nouveaux investissements coûteux et donc le recours au
crédit.
- En tout état de cause, il faudra encore chiffrer le coût de la formule avec
la Conservation Foncière, évaluer le coût des bonifications d'intérêts qui
seront fournies par le Crédit Agricole, et prévoir des mesures d’accompagnement : campagne
d’information et de sensibilisation et appuis juridiques.
- Pour les petites et moyennes exploitations, d’autres solutions sont sans doute
à rechercher. Bleicher lance quelques pistes de réflexion :
-
- Il faut tout d'abord résoudre de manière autoritaire les
imbroglios d'indivision.
- On sait que l'immatriculation est facultative, on sait qu'elle est
parfois difficile à réaliser rapidement, que les dispositions d'encouragement fiscales concernant
la moulkiya spéciale n'ont pas donné tout ce qu'elles auraient dû donner, qu'en
pratique les indivisaires ont souvent intérêt à ne pas signaler le décès et
à réaliser des partages sauvages pour éviter les taxations etc.
- Il faut "solder" les vieilles indivisions passées en
instaurant un système de prescription dont les fondements doivent être juridiquement assis de sorte
qu'ils ne puissent pas être remis en cause par le droit musulman.
- L'exemple de la moulkiya spéciale pour le non-immatriculé
pourrait tout à fait être utilisé pour l'immatriculé : pourquoi ne pas
décider en cas d'indivision multiple que les exploitants depuis 10 ans ont acquis par prescription ?
Bien évidemment, il faudrait définir des limites et des garanties.
- Ne peut-on pas prévoir que tout indivisaire qui n'aura pas fait
valoir ses droits dans un certain délai sera déchu ?
- Ne peut-on pas purger les dossiers dont le titulaire aurait plus de 100 ans ?
- Nonobstant la recherche de solutions législatives du type suggérées
par Bleicher, il faut aussi encourager les sorties par des incitations économiques, qui viseraient à
diminuer la pression relative sur la terre, source du morcellement des propriétés indivises entre
plusieurs petits exploitants. En 1988, le projet ARD[33] a proposé les solutions suivantes :
- Il faudrait trouver une solution qui permette d’exclure de
l’exploitation agricole les héritiers en surnombre sans les chasser des campagnes. La formule
à imaginer devrait faire en sorte que l’indemnisation nécessaire des héritiers
évincés ne les encourage pas à partir pour la ville mais, au contraire, constitue un moyen de
les fixer à la campagne.
- Le schéma suivant, qui devra être précisé et
approfondi, pourrait répondre à cet objectif :
- Création d’un fonds pour l’indemnisation des
cohéritiers.
- Inciter ces cohéritiers à réinvestir sur place,
dans les petits centres ruraux, leur indemnité en accordant à ceux qui le
feraient :
- Une prime équivalente à 30% du montant de
l’indemnité ;
- Un crédit
préférentiel ;
- Une aide pour l’acquisition sur place d’une
capacité professionnelle ;
- Un soutien technique pendant la phase de
démarrage ;
- L’institution d’aide à la création
des premières entreprises pourrait apporter une contribution.
Ainsi pourraient être créées, dans les petits centres ruraux, de petites
entreprises : mécanique, électricité, chaudronnerie, transport et toutes sortes
d’activités qui correspondent à une demande des agriculteurs et des ruraux. Les sommes de
l’indemnisation dont on craint à juste titre qu’elles ne soient un encouragement à
l’exode, seraient ici recyclées dans le développement local. Pour la première fois
une même opération articulerait des objectifs traditionnellement séparés : la
modernisation de l’agriculture, la lutte contre l’exode rural et le développement des petits
centres ruraux.
Population rurale et pression
foncière
- La pression foncière sur les terres agricoles marocaines est forte et continue
à augmenter. La population agricole est passée de 8 à 11millions au cours des deux
dernières décennies. Elle augmentait encore récemment de 1% par an[34].
Une partie trop importante des actifs (44%) est encore employée dans l’agriculture. Chacun de
ces actifs ne nourrit au Maroc que 6,3 habitants contre 11,4 en Tunisie et 27,2 en Espagne. Les
systèmes familiaux ont su retenir sur les exploitations agricoles l’essentiel du croit
démographique et donc ralentir l’exode rural. Mais la surcharge qui en est
résultée, en fixant la terre agricole dans son rôle vivrier de valeur refuge, n’a
guère été favorable à la mobilité des biens fonciers. Le Maroc est
maintenant entré dans la phase de transition démographique, avec un taux de croissance qui
s’est fortement infléchi (1.6%) et on peut s’attendre à une stabilisation sinon une
diminution de la pression foncière plus ou moins long à terme qui dépendra du progrès
dans le reste de l’économie.
Structures foncières
- La persistance de cette pression sur la terre conduit au maintien d’une structure
d’exploitation (qui au Maroc est considérée comme proche de la structure de
propriété) dominée par l’importance de la petite (< de 5 ha) et moyenne exploitation
(de 5 à 50 ha) qui représentent ensemble 99% des exploitants et 85% de la superficie (voir Tableau
3.1). Dans un climat d’attachement des petits exploitants à la terre vivrière, cette
répartition laisse peu de place aux transferts importants de propriétés.
Tableau 4 : Répartition de la SAU et
du nombre des exploitations
Classe de SAU
|
Nombre d'exploitations (milliers)
|
SAU
(ha)
|
Nbre d'exp.
|
SAU
|
Nbre cumulé
|
SAU cumulée
|
0-1
|
315.300
|
170.400
|
22,0%
|
2,0%
|
22,0%
|
2,0%
|
1-3
|
446.700
|
904.700
|
31,2%
|
10,4%
|
53,2%
|
12,3%
|
3-5
|
237.700
|
1.011.100
|
16,6%
|
11,6%
|
69,8%
|
23,9%
|
5-10
|
247.800
|
1.894.700
|
17,3%
|
21,0%
|
87,1%
|
45,6%
|
10-20
|
125.200
|
1.880.500
|
8,7%
|
21,5%
|
95,9%
|
67,1%
|
20-50
|
48.000
|
1.526.300
|
3,4%
|
17,5%
|
99,2%
|
84,6%
|
50-100
|
7.800
|
585.200
|
0,5%
|
6,7%
|
99,8%
|
91,3%
|
+ 100 ha
|
3.200
|
759.400
|
0,2%
|
8,7%
|
100,0%
|
100,0%
|
Total
|
1.431.700
|
8.732.300
|
100,0%
|
100,0%
|
|
|
Source : Atelier sur la Politique
Foncière Agricole, juin 2000, d’après Recensement Général de l’Agriculture
1996
Un marché
foncier peu actif
- Les informations sur l’activité du marché proviennent des actes
enregistrés, donc elles ne prennent pas en compte les transactions enregistrées dans le droit
coutumier. Elles nous donnent des réponses partielles et disparates, sans doute sous estimées surtout
en ce qui concerne les transactions en milieu rural, mais qui vont toutes dans le même
sens.
a. Une étude publiée en 1999 sur le marché
foncier et immobilier au Maroc[35]
montre que :
-
- Entre 1981 et 1998 la hausse du nombre des transactions dans le secteur rural est
faible : 28% en 18 ans contre 69% dans l’urbain. Cette hausse, si faible qu’elle soit,
ne semble pas le résultat d’une dynamique interne du secteur agricole. Elle se produit surtout
dans le suburbain sous la forte influence du marché de l’habitat dans les villes en pleine
expansion.
- Par contre la progression de l’indice des valeurs (prix à
l’unité de surface) a très fortement augmenté, y compris dans le rural. Il a
été ainsi multiplié par 6 dans ce secteur entre 1981 et 1998. Ce surcroît du
prix à l’hectare résulte de l’écart grandissant entre une demande en croissance
forte et continue, et une offre bloquée.
b. Les données collectées sur l’Annuaire
Statistique du Maroc confirment ce constat (voir Tableau 5)
Tableau 5 : Evolution du marché foncier urbain
et rural entre 1980 et 2001.
(en milliers de
DH)
Année
|
1980
|
1999
|
2000
|
2001
|
Nbre
|
Valeur
|
Nbre
|
Valeur
|
Nbre
|
Valeur
|
Nbre
|
Valeur
|
Vente de biens ruraux
|
105.561
|
770.584
|
118.238
|
4.285.649
|
107.632
|
4.542.423
|
108.681
|
4.730.551
|
Indice (100 en 1980)
|
100
|
100
|
111
|
569
|
102
|
589
|
103
|
613
|
Vente de biens urb.
|
103.265
|
2.742.122
|
147.083
|
24.904.678
|
148.116
|
31.222.789
|
156.763
|
33.920.918
|
Indice (100 en 1980)
|
100
|
100
|
142
|
908
|
143
|
1138
|
151
|
1237
|
Part des ventes rurales /total
|
50%
|
21%
|
43%
|
14%
|
40%
|
12%
|
39%
|
11%
|
Source : Annuaire
Statistique du Maroc
- Le tableau 4 qui présente l’évolution du marché foncier urbain
et rural entre 1980 et 2001 peut être interprété de la façon
suivante :
- En une décennie le nombre des ventes rurales est resté stable, donc un
marché peu actif. Certes l’évolution de la valeur de ces ventes (elle a été
multipliée par 6) semble, en apparence, indiquer un réveil de l’activité
marchande. Mais il est plus probable qu’elle signale des transactions portant sur des
propriétés de plus grandes dimensions mais surtout une montée des prix du fait d’une
offre bloquée. D’ailleurs l’atonie du marché foncier rural est confirmée par
la part continûment décroissante que les ventes rurales occupent (elles passent de 50 à 39 % du
nombre des ventes et de 21 à 11% de leur valeur) dans les ventes foncières totales.
- Par contre, le marché foncier urbain apparaît plus actif puisque les ventes y
progressent de 50% en nombre. Le fait qu’il augmente de plus de 1000% en valeur signale
néanmoins un problème d’offre, notamment pour l’urbanisation future. En effet les
zones périurbaines souffrent généralement des mêmes facteurs de blocage que les zones
rurales. La forte demande urbaine en présence d’une offre relativement bloquée contamine
d’ailleurs les marchés fonciers agricoles comme souligné plus avant.
Une demande en forte croissance mais plutôt
spéculative
- La demande est principalement le résultat de la croissance urbaine et de son
influence, à travers le suburbain et l’habitat rural, sur l’ensemble du marché
foncier. La part dominante de l’impulsion urbaine apparaît comme une réalité
majeure dans toutes les données. Certaines causes moins visibles (circulation et blanchiment
d’argent) peuvent localement exercer sur le marché une forte influence.
- Dans certaines régions le poids financier des résidents marocains à
l’étranger et leur propension à accepter des prix plus élevés contribue à
rendre la terre plus rare. A Khouribga, par exemple, la situation foncière est déjà
marquée par le prélèvement par l’Office Chérifien des phosphates de vastes
espaces soustraits au parcours pastoraux et à l’agriculture. Lorsque s’y ajoute la
pression sur la terre exercée par des immigrés (en provenance de l’Italie) très
organisés et disposant de fortes liquidités qui leur permettent d’acquérir la terre
à des prix très élevés, elle devient inaccessible aux agriculteurs
locaux.
- Il ne faut pas non plus négliger le rôle attractif de la
défiscalisation de la production agricole et de l’énorme valeur ajoutée gratuitement au
capital foncier agricole par les investissements réalisés par l’État, dans les
grands périmètres d’irrigation entre autres.
- En résumé, la demande est plus liée à des effets
d’aubaine et à la spéculation (augmentation du prix à l’hectare dans les grands
périmètres irrigués et proximité des périmètres urbains)
qu’à l’intention d’investir dans l’agriculture pour produire plus. Elle ne
peut encore être qualifiée de demande pour la croissance. Mais elle peut évidemment le
devenir si les conditions économiques permettent un encouragement à
l’investissement.
Une offre bloquée par la structure foncière, le droit foncier et la
politique agraire
- Le blocage de l’offre est la source quasi exclusive de la faible activité du
marché foncier rural. La pression foncière et la structure de propriétés ainsi
que le rôle de la terre comme valeur refuge, ont été un handicap à
l’émergence du marché foncier agricole. Il existe de plus des obstacles juridiques qui
s’expriment dans deux grands domaines législatifs : (i) les statuts fonciers et (ii) la
réforme agraire (Attribution de terres, contrôle des opérations immobilières et lutte
contre le morcellement) et des rigidités sociales, provenant en particulier de l’indivision.
a. Statuts fonciers rigides limitant les
transactions :
- Comme on l’a vu dans le chapitre I, un certain nombre de statuts maintiennent
la propriété sous contrôle et la prive de toute mobilité. Ils représentent
environ 25% de la SAU. A cela il faut ajouter les immenses parcours collectifs de l’oriental et du sud
(12 millions d’ha) qui ne sont pas comptabilisés dans la SAU.
Tableau 6 : Précarité juridique des exploitations
agricoles, définie comme relation instable du producteur à la terre
Statut
|
% de la SAU en situation
précaire
|
Nb ha de la SAU en situation
précaire
|
Terres Collectives
|
100%
|
1.535.000
|
Terres guich
|
100%
|
240.000
|
Terres habous
|
100%
|
59.000
|
Terres domaniales
|
100%
|
270.000
|
Total terres sous statut
précaire
|
25%
|
2.104.000
|
b. Les mesures dirigistes liées à la Réforme
Agraire :
- Le contrôle des opérations immobilières a été
institué dés l’indépendance sur la vente des terres appartenant à des
étrangers (Dahir N°1.63.288 du26 septembre1963). Il s’agissait, à
l’époque, d’éviter que ces terres, destinées à être attribuées
à de petits agriculteurs dans le cadre de la réforme agraire, ne soient acquises par des acheteurs
individuels nationaux. On sait que ce texte, qui n’a pas empêché les ventes massives de
fermes coloniales qu’il cherchait à éviter, a cependant été étendu aux
transactions passées par des personnes physiques marocaines à l’intérieur des
périmètres d’irrigation.
- La lutte contre le morcellement, devenu un des objectifs majeurs de la première
politique foncière est assez illusoire, compte tenu de la pression foncière en augmentation constante
et des autres facteurs explicités ci-après. Le texte qui l’institue
(Dahir1.69.29 du 25 juillet 1969) n’a d’abord été appliqué
qu’à l’intérieur des périmètres irrigués, puis étendu aux
secteurs de remembrement et aux périmètres de mise en valeur en bour. Le principe de
ce texte est de contrôler les transactions de façon à interdire les opérations
conduisant à des propriétés d’une superficie inférieure à un seuil
estimé de viabilité (5 ha en irrigué, 35 ha en bour).
- Le problème posé par ce texte est qu’il est tout d’abord,
d’une application difficile, car il heurte de très anciennes pratiques des paysans et des
adoul, liées au régime successoral de droit musulman. Il conduit parfois à
écarter de l’accès à la terre des indivisaires en surnombre. Ils peuvent,
évidemment, être remplis de leurs droits sur d’autres biens de la succession, ce qui est
rarement possible car, le plus souvent, il n’y pas d’autres biens d’une valeur suffisante pour
compenser l’éviction et que le fonds[36]
qui aurait pu permettre de la financer, n’a pas été
utilisé.
- Ces dispositions législatives ont par ailleurs provoqué un certain malaise
et se sont avérées impraticables, car l’accroissement du nombre d’actifs sur la terre
conduit inexorablement à des propriétés toujours plus exigües. Elles placent les
exploitants de trop petites propriétés dans l’illégalité (car ils ne
déclarent pas les partages qui conduisent à des exploitations en-dessous du seuil minimal
autorisé) mais ne les empêchent pas. De fait, ces dispositions législatives soit bloquent
les transactions foncières soit encouragent les transactions informelles, échappant à toute
transparence, et conduisant par conséquent à l’insécurité des transactions.
Elles augmentent le phénomène de l’indivision et empêchent l’individualisation des
terres de culture guich et collectives. Il devient évident que ces dispositions doivent
être abrogées.
V.3 Fiscalité : une différence marquée
entre l’urbain et l’agricole
Existence d’une fiscalité liée au domaine
foncier urbain
- Les immeubles bâtis et constructions et terrains nus affectés par leur
propriétaire à une quelconque exploitation sont assujettis à la taxe urbaine, s’ils se
trouvent à l’intérieur des périmètres des communes urbaines et leurs zones
périphériques, des centres délimités et des stations estivales, hivernales et
thermales.
- Ces mêmes immeubles bâtis et constructions de toute nature, et terrains
affectés à toute nature d’exploitation sont également assujettis à la taxe
d’édilité (TE). Le produit de la T.E est totalement affecté aux
communes.
- L’amélioration de l’assiette foncière par l’apurement des
droits fonciers en zone urbaine et périurbaine contribuerait à l’augmentation des revenus de
l’Etat, par l’augmentation des taxes et droits en lien direct avec le domaine foncier (taxe urbaine,
taxe d’édilité, et aussi droits d’enregistrement et de timbre - voir ci-
dessous).
Absence de fiscalité
agricole
- Les taxes ci-dessus ne s’appliquent pas en zones rurales. De plus, est
exonéré totalement le profit foncier (égal à la différence entre le prix de
cession et le prix d’acquisition) sur la cession de droits indivis d'immeubles agricoles situés
à l'extérieur des périmètres urbains : entre co-héritiers ; et entre
co-indivisaires lorsque les droits ont été acquis depuis plus de 4 ans.
- Dans ce contexte, il faut rappeler que les revenus agricoles sont exonérés
de l’Impôt Général sur le Revenu (IGR) jusqu’au 31/12/2010 (L.F.
2001).
- Il est à craindre que cette absence de fiscalité rende
l’investissement foncier agricole très attractif, même en l’absence d’objectif de
rentabilité, encourageant ainsi la spéculation au détriment des petits et moyens
agriculteurs.
Tous les actes, y compris fonciers, sont assujettis à
l’enregistrement
- Les droits d’enregistrement sont composés de droits fixes et de droits
proportionnels. Les principales opérations obligatoirement assujetties sont les mutations entre vifs
à titre gratuit ou onéreux portant sur les immeubles et droits réels immobiliers sont soumis
au droit de timbre de 20 DH par feuille de papier utilisée tous les actes et écritures, soit publics,
soit privés, livres, registres, répertoires, lettres, extraits, copies etc. Il est important de
maintenir ces droits à un niveau qui ne décourage pas l’enregistrement, et donc la mise
à jour des livres fonciers. Dans cet esprit, les droits d’enregistrement sont réduits sur
la moulkiya spéciale afin d’encourager les immatriculations et les sorties de
l’indivision.
- L’ensemble des réformes nécessaires pour fluidifier les marchés
fonciers et en sécuriser les droits de propriété devront nécessairement
s’attaquer aux problèmes de fond présentés dans ce rapport. Il ne s’agit pas
de réformes faciles, ni de mesures qui auront un impact rapide. Elles sont cependant
nécessaires pour accompagner la croissance future du Maroc, notamment en facilitant la modernisation de
l’agriculture.
- L’autre volet de cette étude, le foncier industriel, faisant l’objet de
problématiques différentes et plus spécifiques, nous renvoyons le lecteur au Volume IV de
cette étude qui présente un ensemble de mesures –de court à moyen terme celles-ci
– pour améliorer l’efficacité du marché du foncier industriel et la gestion des
zones.
- Concernant le rural et l’agriculture, les réformes de longue haleine,
résumées ci-dessous, mais détaillées dans les volumes II et III suivants, devront
s’articuler afin de faire converger les différents marchés fonciers qui coexistent. Il
s’agira de :
- améliorer l’efficacité et le ciblage de l’immatriculation
rurale, tout en renforçant la moulkiya afin de créer des passerelles entre ces deux types de
sécurisation foncière, et les rapprocher ;
- accélérer la «melkisation » des statuts collectifs
afin de tendre vers un statut unique ;
- réintroduire une fiscalité agricole et un impôt foncier rural pour les
moyennes et grandes propriétés, afin de réduire la distorsion vis-à-vis du foncier
urbain et lutter contre les investissements non agricoles sur des terres agricoles, et par la-même
réduire les opportunités d’évasion fiscale.
- Les mesures proposées, et reprises pour certaines d’entre elles en plus de
détail dans les volumes II et III, incluent les chantiers suivants:
- Tout d’abord il est nécessaire d’accélérer le processus
de melkisation, conduisant à l’unification des différents statuts fonciers en
direction du melk. Comme nous le détaillerons dans le volume II relatif à la
sécurisation des terres, la mise en œuvre de la réforme de la moulkiya (par
l’adoption du Code des Droits Réels), accompagnée de profondes actions en vue d’une plus
grande efficacité de l’immatriculation foncière – notamment en zones rurales, permettra
de réduire les effets néfastes de la dualité des modes de sécurisation au Maroc.
Ceci devra permettre l’immatriculation progressive des terres appelées à être
fructifiées pour accompagner la transformation de l’agriculture marocaine, mais aussi, durant la
période de transition vers la généralisation de l’immatriculation moderne (transition
qui pourrait durer des décennies), d’avoir un système de moulkiya
renforcée.
- Une stratégie de moyen-terme de sécurisation du foncier rural
amènerait ainsi à la mise en place d’un système de sécurité
foncière à deux niveaux :
- Un niveau de forte sécurisation offrant le maximum de garantie (titre inattaquable,
purge des doits) offert par le système de l’immatriculation ordinaire qui resterait facultatif et
payant (même si des subventions provenant des opérations réalisées en zones urbaines et
périurbaines pourraient être envisagées).
- Un niveau de moindre garantie – moulkiya renforcée (simple
publication avec opposabilité aux tiers) qui devrait satisfaire aux exigences les plus courantes mais qui
serait obligatoire dans le cadre de toute formalité touchant un immeuble ; son coût devra
être modéré.
- En parallèle, afin de profiter des avantages de l’opération
d’immatriculation d’ensemble (rendement croissant) tout en surmontant sa principale limite (absence de
ciblage pertinent), il est recommandé d’expérimenter une nouvelle procédure
d’immatriculation volontaire groupée. Celle-ci consisterait à réduire les frais
d’immatriculation pour des groupes d’agriculteurs voisins qui manifesteraient collectivement leur
volonté d’obtenir un titre de propriété.
- Aussi, des mesures ambitieuses favorisant les sorties d’indivision pourraient
être mises en place: (1) la mise en place d’un fonds de financement des transactions d’achats de
parts entre indivisaires par des prêts aux taux subventionnés ; (2) des tarifs réduits
pour les immatriculations d’indivisaires sortants. Le projet de loi sur les Groupements Fonciers
d’Indivisaires devrait être testé par une enquête dédiée sur la question
d’indivision, afin d’en identifier les différents types, et de dimensionner le segment qui
pourrait être intéressé de bénéficier des avantages des GFI.
- Enfin, les distorsions fiscales entre urbain et rural devront être réduites,
avec notamment la réintroduction progressive, pour les propriétés d’une certaine taille,
d’une fiscalité foncière agricole et d’un impôt sur les revenus
agricoles.
Rapports
- Act Consultants, ADEF, Altius urbanisme, et DMR Conseil. Etude réalisée pour
la Direction des Domaines. Elaboration d’une stratégie de gestion du domaine privé de
l’Etat, Phase I Diagnostic, octobre 2001.
- Bouderbala, Negib, 1994. Les systèmes de propriété foncière au
Maghreb: le cas du Maroc
- Brandao, Antonio et Gershon Feder. Regulatory policies and reform: the case of land
markets.
<http://lnweb18.worldbank.org/ESSD/ardext.nsf/24ByDocName/RegulatoryPoliciesandReformTheCaseofLandM
arkets/$FILE/LandMch10.pdf>
- Direction des Domaines, Rapport d’activité, 2004.
- Falgata, Salah, L’immatriculation d’ensemble, ND
- Fédération Internationale pour les Etudes Foncières, Mission de Alain
Dassonville, Rapport de mission sur la réforme foncière au Maroc, mai 2005
- Fédération Internationale pour les Etudes Foncières, Mission de Henri
Pons, Rapport de Mission sur la Réforme Foncière au Maroc, avril 2006
- Fédération Internationale pour les Etudes Foncières, Mission de
Xavier Bleicher, Rapport sur l’Indivision au Maroc, octobre-novembre 2005
- Felk, Med Abdelghaffar, ND. Foncier agricole au Maroc.
- Intélec Géomatique. Etude réalisée pour l’Agence
Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie. Mise en place Cadastre
général. Rapport de la Phase 2 Version définitive. ND.
- M’Hassni, Mohamed ; Mohamed Feljy ; et Hamid Khalali. Le système
foncier au Maroc : une sécurité et un facteur de développement durable en milieu urbain
et rural, Marrakech, Maroc, décembre 2003
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des
Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Atelier
sur la Politique Foncière Agricole, Rapport de Synthèse du groupe de travail sur la politique
foncière agricole, Rabat, 29-30, juin 2000
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des
Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Atelier
sur la Politique Foncière Agricole, La Sécurisation de la Propriété Foncière et
de l’Exploitation Agricole, Diagnostic et Propositions, Rabat, 29-30, juin 2000
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des
Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Atelier
sur la Politique Foncière Agricole, Les Structures Foncières Diagnostic et Propositions
d’Amélioration, Rabat, 29-30, juin 2000
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural, et des
Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers,
Note sur les réformes structurelles à engager dans le domaine du foncier agricole, mai
2004
- Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire/ Direction de la
Conservation Foncière et des Travaux Topographiques, Immatriculation Foncière en Zone Nord,
1992
- Ministère de l’Intérieur/Direction des Affaires Rurales. Aspect
Juridique et Réglementaire des Collectivités Ethniques et du Patrimoine Collectif.
ND
- World Bank, Maroc, Evaluation du système juridique et judiciaire,
2003
- World Bank, Republic Of Yemen, Urban Land Policy And Administration, Policy Note, June 10,
2005
Lois (en Arabe)
- Ministère de la Justice, Dahir Organisant la Profession des adoul
et la Réception et la Rédaction des Témoignages, 2 mai 2006
- Ministère de la Justice, Projet de code des Droits Réels
Lois (en français)
- Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la Cartographie,
Projet de Loi Modifiant et Complétant le Dahir du 9 Ramadan 1331 (12 aout 1913) sur
l’Immatriculation des immeubles, octobre 2004.
- Direction des Affaires Rurales, Projet de loi Organisant la tutelle administrative des
collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens
collectifs.
- Direction des Affaires Rurales, Projet de Loi Relative aux terres collectives de culture
situées a l’extérieur des périmètres urbains.
- Direction des Affaires Rurales, Projet de Décret Relatif aux Terres Collectives de
Culture situées a l’extérieur des périmètres urbains
- Direction des Aménagements Fonciers, Projet de Loi Relatif à la Sortie et la
Liquidation des Propriétés dans L’Indivision et Morcellement des Propriétés
Agricoles.
- Direction des Aménagements Fonciers, Projet de Loi Portant Révision de
Certaines Dispositions Relatives à l’acquisition de Propriétés Agricoles Situées
à l’extérieur des Périmètres Urbains, au Contrôle des opérations
immobilières et aux Propriétés dans l’indivision
- Direction des Domaines, Loi no. 05.01 relative à la cession à leurs
occupants réguliers de certains lots agricoles ou à vocation agricole relevant du domaine de
l’Etat
- Direction des Domaines, Loi no. 05-01 relative à l’attribution à des
agriculteurs de terres agricoles ou à vocation agricole faisant partie du domaine privé de
l’Etat
- Direction des Domaines, Loi no. 07-01 relative aux coopératives agricoles
d’attributaires de lots domaniaux et/ou d’attributaires de lots constitués sur d’anciens
immeubles collectifs.
- Ministère de l’Agriculture, Projet de Loi Relatif aux Terres collectives de
culture
- Ministère de l’Agriculture, Projet de Loi Relatif aux terres agricoles ou
à vocation agricole guich non concédées
Rapports Statistiques
- ANCFCC, Service de Statistiques et du Suivi des Réalisations, Rapport pour la
Banque Mondiale, juin 2007
- Annuaire Statistique Du Maroc, 2005
[1]
Voir : Bouderbala et Pascon. « Le droit et le
fait dans la société composite (Essai d’introduction au système juridique
marocain) » BESM n°117, 1971 ; Bouderbala « La formation du système foncier
au Maroc » BESM N° 133-134. 1976.
[2] Il convient
cependant de prendre les données de ce Tableau avec précaution. Pour les terres melk,
les chiffres proviennent du Recensement Géneral de l’Agriculture (RGA), donc des
déclarations des exploitants. Rien ne garantit que les exploitants aient déclaré des parcelles
comme melk, leur appartenant, alors que ce pourrait être des terres collectives ou domaniales,
donc des parcelles dont le statut est litigieux. Il se pourrait donc qu’il y ait moins de superficies
melk que le Tableau ne le laisse supposer.
[3] Le terme de
terres « collectives » , devenu d’usage courant a été créé
par le Protectorat et peut donner de la réalité de ces terres une image déformée.
En effet, dans beaucoup de leurs pratiques et en particulier pour ce qui est du partage des terres de cultures, les
pratiques sont plutôt individuelles. Dans leur forme originelle, ce sont des terres de
tribus régulées par une coutume préislamique.
[4]
Les fonctions du naib sont mentionnées dans le
Dahir du 27 avril 1919, article 4 et suivants.
[5]
(Articles 3 et 12 du Dahir du 27 avril 1919)
[6] Aspects
juridiques et réglementaires des Collectivités Ethniques (DAR)
[7] Dahir
N° 1.69.30 du 25 juillet 1969, relatif aux terres collectives situées dans les périmètres
d’irrigation.
[8] Les habous
privés sont estimés à 200 000 ha, estimation sujette à caution.
[9] Le domaine est
formé des biens et droits, immobiliers ou mobiliers, appartenant à la puissance publique, (domaine
privé) ou laissé à l’usage de la collectivité nationale sous le contrôle de
l’Etat (domaine public).
[10]
Article 3 de la Loi 05-01, qui modifie et complète le Dahir du 29
décembre 1972 et dont le décret d’application a été publié en
août 2006.
[12]
Recensement général de l’Agriculture (1996)
[14] DAF
Note sur les réformes à engager dans le domaine du foncier agricole. (sans date)
[15]
C’est en particulier le cas dans les périmètres irrigués.
[16] En
principe pour prouver son droit, il faudrait établir ou que l’on est le propriétaire originel,
ou bien qu’on a acquis ce droit de propriété régulièrement d’une personne
qui elle-même en était le propriétaire originel ou en avait elle-même acquis le droit
d’une personne qui en était propriétaire, remontant ainsi toute la chaîne de
propriétaires successifs.
[17] Par exemple
Suisse, Australie, Nouvelle Zélande, Ecosse, Kenya, Liban, Syrie, Tunisie et Algérie.
[18] Ce
Dahir prévoit même (art 65 bis) des délais limitatifs et de
pénalités.
[19]
Cité dans X. Bleicher p.13.
[21] Les membres du conseil
forment le noyau d’acteurs les plus importants dans le domaine foncier.
[22] Pour rappel, seuls 30%
des parcelles du pays sont immatriculées, c’est dire le potentiel financier (et économique) de
l’immatriculation, du moins en zones où les prix de l’immobilier sont
élevés.
[23] Le système
foncier au Maroc. Une sécurité et un facteur de développement durable, Au milieu urbain
et rural, Mohamed M'HASSNI, Mohamed FELJY et Hamid KHALALI, Maroc
[24] Son
établissement s'opère sur la base des Ortho-Photos-Plans au 1/2000 ou 1/5000 selon le
parcellaire, et renseignées par des informations textuelles collectées sur le terrain lors de la
reconnaissance parcellaire.
[25]
Certains pensent que la part réelle de la propriété indivise dans le melk est plus
proche des 78% relevés dans une étude sur les Doukkala en 1991 que des 46% signalés par la
Direction des Aménagements fonciers (Atelier de politique foncière agricole. AGR, juin
2000).
[26] En
fait, la propriété melk, qu’elle soit immatriculée ou non, a vocation à
devenir indivise puisqu’elle est nécessairement soumise au régime successoral du
chraa. Les seules propriétés qui y échappent sont celles qui résultent
d’un achat individuel récent ou celles qui sont la conséquence d’un partage
définitif d’une propriété indivise. Ces deux cas ne sont pas
fréquents. La présence statistique plus faible dans les terres dotées de titre foncier
de l’indivision ne doit pas nous entraîner à penser que c’est
l’immatriculation qui fait reculer l’indivision. En fait, dans les terres immatriculées,
l’origine plus récente de la propriété fait que les successions y ont
été plus rares.
[27]
Rapport sur l’indivision au Maroc, FIEF, X. Bleicher Oct./Nov. 2005.
[28]
Articles 25 à 34 du Dahir du 2 juin 1915 fixant la législation applicable aux immeubles
immatriculés.
[29] En
dépit de la solution apportée par l’article 961 du DOC : « dans le doute les
portions des communistes sont présumées égales ».
[30] Loi
No 25-90 relative aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements).
[31]
Notons que cette proposition de loi va tout à fait dans le sens de la stratégie de
développement de l’agriculture « Plan Vert » présentée à
l’occasion du Salon International de l’Agriculture de Meknés de 2008.
[32]
Source : Xavier Bleicher. Rapport sur l’Indivision au Maroc. Fédération
Internationale des Etudes Foncières (FIEF), octobre-novembre 2005.
[33]
Source : Projet ARD (IAV Hassan II et ORMVAG ; Dir. N Bouderbala.
[34] IAM
de Montpellier. MEDAGRI
[35]
Observatoire de l’habitat, Ministère de l’aménagement du territoire, « Le
Marché foncier et immobilier » Rabat, juin 1999. ORMVAH « Dynamique du marché
foncier dans la zone d’action de l’ORMVA du Haouz….Consultant Négib Bouderbala.
(…..)
[36]
Convention passée avec le Crédit agricole en 2001.